Ce n'est sûrement pas le fruit du hasard si Tommaso Barracco prit la décision il y a quelques années de créer sa propre marque horlogère. Sa passion pour les montres et sa propre carrière professionnelle dans l'industrie et dans le conseil lui donnèrent sans nul doute l'envie et la volonté de devenir bien plus qu'un observateur attentif mais un véritable acteur de ce monde horloger si particulier. Il ne faut pas se leurrer: une telle aventure nécessite au-delà de la capacité à solliciter les bonnes personnes, un sacré sens de l'organisation et un business plan d'une précision chirurgicale. Si les rouages des mécanismes des montres semblent complexes, ils sont cependant bien plus faciles à comprendre que ceux qui régissent une industrie au fonctionnement opaque et dont la structure est loin d'être optimale.
La BarraccO Giramondo avec un cadran chocolat:
Pour se donner les meilleures chances de réussite, Tommaso Barracco suivit une formation de deux ans au Lycée Diderot pour obtenir un CAP en horlogerie. Possédant ainsi les bases techniques à la conduite de son projet, il put se lancer dans la conception des différents modèles de sa gamme et partir à la rencontre des sous-traitants pour choisir ceux qui seraient capables de l'accompagner. Cette étape est évidemment fondamentale car les fournisseurs doivent être en mesure de délivrer dans les délais requis des toutes petites séries de pièces tout en respectant les critères de qualité exigés. Ceux qui arrivent à répondre à de telles attentes ne sont guère nombreux compte tenu des multiples goulots d'étranglement de l'industrie horlogère.
4 modèles composent la collection BarraccO:
- la Pendolo, la montre simple à trotteuse centrale
- la Faraday qui possède une protection anti-magnétique
- l'Electum qui répartit les différentes fonctions temporelles sur son cadran
- et la Giramondo qui propose l'affichage d'un second fuseau horaire.
Tommaso Barracco a particulièrement veillé à la cohérence de la collection afin de définir de façon pérenne le style propre de sa marque. C'est la raison pour laquelle les 4 montres partagent un grand nombre d'éléments communs qui font que, malgré les complications et les présentations de cadrans différentes, elles évoluent toutes dans le même contexte esthétique. Deux éléments incarnent plus précisément le style BarraccO: le boîtier et le cadran.
Les 4 montres de la collection, toutes animées par des mouvements Soprod:
Avec l'aide de Ludovic Blanquer et Michel Berra qui ont dessiné par le passé la montre Tambour de Louis Vuitton, Tommaso Barracco a conçu un boîtier classique et élégant en acier, en finition poli miroir et aux lignes fluides qui se distingue par sa légère proéminence au niveau de la carrure. Il m'évoque par ce détail le boîtier Nautilus de Patek Philippe. Le rapport diamètre (41,5mm) sur épaisseur (11mm) est équilibré, lui donnant un léger côté élancé. 3 montres sur 4 utilisent ce boîtier, seule la Faraday a une épaisseur supérieure (12,5mm), anti-magnétisme oblige. Les fonds sont pleins ce qui permet d'apprécier une jolie représentation du symbole du pendule que l'on retrouve également sur le contre-poids de la trotteuse.
Les cadrans sont réalisés avec soin et contribuent fortement à la qualité perçue des montres. Ils proposent une finition qui s'apparente à des Côtes de Genève et appelée ici motif "increspato" car rappelant les rides de l'eau. Un tel résultat est obtenu grâce à une base de cadran en laiton embouti et poli sur laquelle une peinture galvanique est apposée. Les index luminescents en acier rhodié sont appliqués et donnent aux cadrans un effet de relief bienvenu.
La Giramondo est la montre dédiée aux voyageurs ou tout du moins, à ceux qui sont en relation avec des personnes situées dans un autre fuseau. Elle est une excellente représentation du style BarraccO. Malgré son cadran plus chargé, les éléments de l'affichage se marie bien avec le motif "increspato" et l'ensemble demeure très lisible. J'aurais cependant préféré que la trotteuse n'ait pas cette extrémité rouge car ce segment se distingue peu lorsque le cadran est foncé.
La BarraccO Giramondo avec un cadran gris:
Le mouvement qui l'équipe est le Soprod 9351-A10 soit une base A10 avec un module d'affichage d'une grande date et d'un second fuseau horaire sur 24 heures grâce à l'indicateur jour&nuit. C'est un mouvement que j'apprécie car il définit une organisation de cadran très agréable et rationnelle. La grande date est positionnée au sommet du cadran tandis que l'indicateur jour&nuit est bien intégré en étant adossé à l'affichage du second fuseau. Ce mouvement n'est évidemment pas exclusif mais il se retrouve dans des montres plus onéreuses comme la Hermès Cape Cod GMT ou la Hautlence Destination. Ses performances sont classiques avec une fréquence de 4hz et une réserve de marche de 42 heures que je trouve un peu courte selon les standards actuels.
Les éléments du boîtier:
Compte tenu du style du boîtier et du cadran, j'ai préféré porter la Giramondo avec le bracelet acier plutôt qu'avec le bracelet cuir. Je l'explique assez facilement. Tout d'abord, je trouve que le bracelet acier s'intègre particulièrement bien en épousant et en prolongeant les courbes des cornes du boîtier. Ensuite, l'atmosphère esthétique m'évoque plus une Laureato de Girard-Perrigaux ou une Nautilus et je sens la Giramondo plus à l'aise avec cette approche sport-chic qu'avec une connotation plus habillée. Elle se porte d'ailleurs dans les deux cas avec confort.
La Giramondo est pour moi une montre réussie car je la trouve cohérente et réalisée avec soin. Elle ne révolutionne pas l'offre horlogère et n'est certes pas d'une très grande originalité mécanique ou esthétique. Mais la qualité des finitions, le souci des détails et le plaisir de porter une montre d'une marque qui effectue ses premiers pas la rendent très séduisante. Et puis, elle cache un atout supplémentaire que finalement très peu de marques sont en mesure de proposer: la personnalisation.
Avec le bracelet acier:
Alors que l'industrie automobile a beaucoup avancé sur le sujet, l'industrie horlogère reste toujours prisonnière de ses vieux schémas et de son organisation, confondant parfois tradition avec immobilisme. Il faut dire que la personnalisation fait peur car nécessitant un approvisionnement spécifique et une flexibilité au niveau de la production. Vacheron Constantin avait cependant réfléchi sur ce thème et construit toute une offre personnalisable avec la Quai de l'Île. Elle ne rencontra malheureusement pas le succès escompté pour diverses raisons.
Avec le bracelet cuir:
De façon un peu paradoxale car n'ayant pas la même puissance d'achat, une marque plus petite comme BarraccO peut se mouvoir comme une goélette et éviter les écueils des paquebots. Tommaso Barracco propose ainsi une personnalisation des boîtiers, des cadrans, des bracelets. Les boîtiers peuvent être déclinés avec différentes finitions (poli miroir, satiné, DLC). Les cadrans sont disponibles avec une large palette de couleurs allant du chocolat au bleu en passant par le gris. Et surtout, il offre la possibilité d'apposer les initiales du propriétaire de la montre sur le cadran en choisissant la couleur et la police de caractère. Les combinaisons sont multiples et dans ce contexte, il est difficile de ne pas trouver la montre qui correspond au mieux à nos attentes.
Incontestablement, la disponibilité de cette personnalisation témoigne de la qualité de la réflexion de Tommaso Barracco sur la construction de son projet et de son business plan. Sa marque possède aujourd'hui les fondamentaux et les atouts qui lui permettent d'aborder les prochaines étapes de son développement avec optimisme.
Merci à Tommaso Barracco pour sa disponibilité.
+ un boîtier très joliment dessiné
+ un cadran avec le motif "increspato" réussi
+ l'intégration du bracelet métal
+ la personnalisation du boîtier et du cadran
Les moins:
- l'extrémité rouge de la trotteuse qui la rend moins visible sur les cadrans foncés
- la réserve de marche du mouvement Soprod est un peu courte