Julien Coudray: Classica 1548

La Classica 1548 fut présentée lors de la Foire de Bâle 2013. Il s'agit d'une montre importante dans le développement de la marque julien Coudray. Même si elle partage plusieurs points communs esthétiques avec la Manufactura 1528, elle symbolise cependant une orientation stylistique nouvelle de la part de Fabien Lamarche. En effet, grâce à son approche plus épurée et moins démonstrative, la Classica 1548 témoigne d'une plus grande maturité qui met mieux en valeur la qualité du travail des artisans qui oeuvrent au sein de la Manufacture.

Le premier élément qui surprend lors de la prime en main de la  Classica 1548 est l'absence du nom de la marque sur le cadran. Je pense que c'est une très bonne idée. Ce n'est évidemment pas un reniement: que ce soit dans l'architecture du mouvement ou dans la construction du cadran, je retrouve les idées directrices de Fabien Lamarche qui visent à réinterpréter de façon contemporaine la tradition horlogère française du XVIième siècle. De plus, le logo de la marque demeure à la place d'un cartouche du cadran à 8 heures. Le retrait du nom a une vertu. A une époque où les fausses légendes et les histoires montées de toutes pièces fleurissent dans l'horlogerie, un "1518" apposé sur le cadran peut être mal perçu et créer le risque de mettre sur le même plan l'approche sincère de la marque et celles, plus opportunistes, d'autres acteurs.


J'ai envie de dire que le cadran suffit en lui-même. Il est extrêmement rare de nos jours de voir une telle construction en 13 pièces. Au dessus de la couche en or massif émaillé, les cartouches bombés en émail grand feu, délicatement soulignés par leurs contours en or, définissent une composante essentielle du style julien Coudray. La finition du cadran est magnifique grâce à la combinaison de différents effets. J'apprécie par exemple beaucoup le travail effectué sur le chemin de la trotteuse.

Malgré sa pureté et sa simplicité, à aucun moment le cadran n'engendre l'ennui. Cela est dû aux multiples effets de relief: les cartouches bien sûr mais également le rehaut incliné sur lequel est gravée la minuterie. Mais l'élément que je préfère chez julien Coudray est la paire d'aiguilles grises au liseré bleui. Je suis invariablement sous le charme de ces aiguilles subtiles et raffinées qui se marient idéalement avec le cadran.


Une autre constante de julien Coudray que je retrouve sur le cadran de la Classica 1548 est le guichet d'indicateur de service qui devient une sorte de signature de la manufacture. Au bout de 4 ans de fonctionnement, une goutte d'huile en or émaillé apparaît dans le guichet pour signaler que le temps de la révision est arrivé. La montre photographiée est un prototype et l'emplacement définitif du guichet sera plus proche du sommet du cadran qu'il n'est sur les photos.

Le diamètre du boîtier en or ou en platine est de 43mm soit 4mm de plus que la Manufactura 1528. La montre respire donc mieux car je trouve la taille de la Manufactura un peu petite du fait de l'utilisation des cartouches qui réduisent la taille perçue. Une taille de 43mm peut sembler importante pour une montre élégante à 3 aiguilles mais elle me semble ici presque idéale compte tenu de la taille contenue de la partie centrale du cadran et de la forme très incurvée des cornes.


Si la Classica 1548 traduit une évolution esthétique, c'est bien côté mouvement que les principaux changements se manifestent. Que ce soient en termes d'architecture, de performance ou de décoration, le calibre JC 1548 tranche radicalement avec le JC 1528. Visuellement, il séduit plus facilement en étant plus ouvert, permettant ainsi de dégager 3 ponts dans la partie inférieure, à gauche de l'organe régulant. Ces 3 ponts supportent 3 roues dont la roue d'échappement qui se distingue nettement. Du fait de leurs hauteurs croissantes de la droite vers la gauche, ils forment une sorte d'escalier qui crée un sympathique effet de relief. Le balancier en titane et en or se remarque au premier coup d'oeil grâce à ses couleurs. L'ensemble du mouvement est très agréable à observer car, balancier à part, ses teintes sont très homogènes et ses courbes plaisantes. 


La décoration est  plus légère que sur le JC 1528 tout en conservant les mêmes critères de rigueur et d'excellence dans l'exécution des tâches de finition. Cette légèreté a un immense atout: en donnant une dimension visuelle plus simple au mouvement, elle met finalement en valeur des détails qui avaient tendance à être estompés par le côté baroque de la décoration du JC 1528. Je ne retiendrais qu'un seul exemple: les anglages s'apprécient mieux sur le JC 1548 car la discrétion des gravures permet de libérer de l'espace à proximité des bords des ponts et de la platine. La forme des ponts contribue également à ce sentiment.

L'utilisation du titane pour le balancier, d'un échappement original et d'un double barillet permettent de significativement augmenter la réserve de marche du JC 1548 par rapport à son alter ego à 3 aiguilles. En effet, la réserve de marche dépasse la centaine d'heures tout en conservant la fréquence de 4hz, Fabien Lamarche s'engageant en outre sur la stabilité de la précision sur cette centaine d'heures. Ce comportement stable est obtenu par la façon dont les 2 ressorts de barillet se dévident. Chaque barillet effectue un tour alternativement si bien qu'ils agissent tous les 2 de façon homogène et de concert.

Les différences entre le JC 1528 à gauche et le JC 1548 à droite:


L'autre avancée technique du nouveau mouvement est la présence d'un stop seconde avec retour à zéro. Lorsque la couronne est tirée, la trotteuse se fige à 12 heures afin de permettre un réglage précis de l'heure. Une fois la couronne poussée, la trotteuse redémarre.

Comme je l'ai déjà évoqué précédemment, les 43mm de diamètre ne m'ont nullement dérangé, bien au contraire. Le design traditionnel de la Classica 1548 trouve une dimension plus contemporaine grâce à cette taille élargie et à la pureté du cadran. Malgré son poids (le même matériau que le boîtier est utilisé pour le mouvement), la Classica 1548 se porte avec beaucoup de plaisir, les cornes épousant parfaitement le poignet. Plus encore que les cartouches, ce sont les aiguilles qui me fascinent. Le subtil liseré bleui dessine le temps sur les éléments du cadran avec élégance. Lorsqu'elle utilise un métal neutre comme le platine ou l'or gris, la Classica 1548 dégage un sentiment de discrétion qui me plaît beaucoup.


Je considère la Classica 1548 comme la montre la plus aboutie au sein de la collection julien Coudray. Grâce à une approche stylistique plus épurée et moins démonstrative, le design gagne en maturité et en raffinement. Le mouvement est très convaincant tant du point de vue technique qu'esthétique. La Classica 1548 est donc une réussite qui laisse entrevoir un très beau potentiel de développement pour la marque de Fabien Lamarche.


Merci à l'équipe julien Coudray pour son accueil.