Il y a quelques années, j'avais longtemps hésité entre la version en or gris et celle en or rose de la première génération du chronographe 1815. Je souhaitais en effet acquérir un chronographe Lange pour profiter de l'incomparable sensation à l'activation des poussoirs et de la beauté du mouvement. Mon choix s'était finalement porté sur la version en or gris que j'avais trouvé à l'époque plus polyvalente et peut-être moins lassante sur le long terme. Je voulais aussi profiter des aiguilles en acier bleui sur le cadran en argent, une combinaison que le Datograph ne proposait pas. J'ai eu l'occasion il y a quelques jours de revoir ce chronographe 1815 en or rose et je me suis dit qu'il méritait que je lui consacre un article.
Le premier chronographe 1815 fut produit par Lange & Söhne en 2004 et 2007. A ce titre, il eut une durée de vie beaucoup plus courte que celle du Datograph qui fut présenté en 1999. En faisant quelques hypothèses sur le pourcentage de mouvements chronographe produits par Lange chaque année, je pense que le nombre total de chronographes 1815 de première génération doit se situer entre 300 et 400, or gris et or rose compris.
Souvent considéré comme un Datograph "dégradé" car se caractérisant par le retrait de la grande date, il a su cependant trouver sa place dans le coeur des fans de Lange grâce à de multiples détails qui lui donnent beaucoup de charme:
- son boîtier est plus fin que celui du Datograph du fait de l'absence de la date
- son cadran est très bien construit en plusieurs niveaux avec notamment un rehaut incliné qui apporte du caractère
- et l'échelle pulsométrique le place presque dans une atmosphère "vintage" qui est très agréable.
Le mouvement L951.0 qui l'équipe est une vraie merveille tant esthétiquement qu'à l'usage. Au-delà de sa finition et du sentiment de profondeur qu'il procure, il se révèle très agréable au quotidien. Les poussoirs sont idéalement réglés, ni trop mous, ni trop durs afin d'obtenir un déclenchement optimal. Le compteur des minutes instantané est une preuve de la maîtrise technique de la manufacture saxonne. Et le charme de la basse fréquence (2,5hz) agit.
En revanche, comme la perfection n'est pas de ce monde, plusieurs remarques peuvent être faites à l'encontre des deux versions du chronographe:
- la couronne est un peu petite et ne facilite pas le remontage même si la douceur du mouvement atténue ce problème.
- les sous-cadrans sont un peu trop petits
- la réserve de marche est très courte (36 heures) mais suffisante compte tenu d'un remontage quotidien.
La version en or rose est incontestablement plus originale et plus élégante que la version en or gris. J'avais peur que le contraste entre le boîtier en or rose et le cadran noir ne soit trop fort mais ce n'est nullement le cas. La chaleur du boîtier équilibre le noir du cadran pour former une combinaison audacieuse et subtile. En fait, nous retrouvons les codes couleurs, y compris pour les aiguilles, du Datograph "Dufour" ainsi appelé car Philippe Dufour est propriétaire d'un exemplaire: les deux aiguilles principales et la trotteuse du chronographe sont en or rose, les deux aiguilles des sous-cadrans en acier bleui. Du point de vue fonctionnel, ce choix est étrange puisque les données du chronographe sont affichées à la fois par une aiguille en or rose et une aiguille en acier bleui. Mais visuellement, cela donne un magnifique équilibre! Je dois avouer que l'observation de la trotteuse en or rose du chronographe est un ravissement.
Un autre point contribue à la réussite de cette version en or rose: la couleur des sous-cadrans. Afin d'être en cohérence avec la couleur du boîtier et de ne pas avoir un contraste trop agressif avec le noir du cadran, ils possèdent une teinte blanc cassé/ivoire du plus bel effet. Les sous-cadrans sont peut-être d'ailleurs ce qui distingue le plus les deux versions du chronographe: du fait de la constance de ses couleurs, la position décentrée des sous-cadrans est moins perceptible sur la version en or gris que sur celle en or rose. Cette position décentrée a du sens sur le Datograph car les deux sous-cadrans forment un triangle équilatéral avec la grande date. Elle est plus osée sans, traduisant ainsi un léger déséquilibre. C'est un point que j'ai considéré lorsque mon choix s'est porté sur la version en or gris.
Au poignet, le chronographe 1815 en or rose séduit par la beauté de ses finitions, par son jeu de couleurs et par sa taille idéale pour un chronographe habillé (39mm). Compte tenu de sa dominante noire, sa taille ressentie est plus contenue que celle du chronographe 1815 en or gris.
Il est important de signaler que le chronographe 1815 en or rose a fait l'objet d'une série limitée de 8 pièces dans le cadre du "Dresden Set" conçu pour célébrer les 800 ans de Dresde. Outre le chronographe, la seconde montre du set était une Lange 1 Moonphase en or rose et à cadran ardoise. Le chronographe arborait un cadran en argent qui lui faisait perdre une grande partie de son caractère. Je préfère nettement la version du catalogue, plus intéressante et osée avec son cadran noir.
Plusieurs années après être sorti du catalogue, je considère la première génération du chronographe 1815 comme plus réussie que celle qui l'a remplacée. Cette dernière corrige des reproches faits à sa devancière mais son style plus épuré lui fait perdre du piment.
J'aurais bien du mal aujourd'hui à choisir de nouveau entre les deux versions mais je pense que mon coeur pencherait toujours vers celle en or gris pour sa discrétion et ses aiguilles bleuies. Cependant, la version en or rose est aussi séduisante grâce à son mélange subtil entre élégance et audace. L'objectif de l'article était de le rappeler.