Le Chronographe Monopoussoir présenté par Bell&Ross lors de la Foire de Bâle 2012 symbolise à bien des égards la tendance poursuivie par la marque depuis quelques années. S'il ne possède pas le design original de la Vintage WW2 Régulateur, il profite de la même façon d'une esthétique "néo-rétro" inspirée par les montres militaires. De plus, il s'inscrit dans la même volonté de diversification de la provenance des mouvements. Travailler avec des nouveaux fournisseurs permet en effet à Bell&Ross de réduire sa dépendance vis-à-vis d'ETA même si à ce stade, l'impact est plutôt marginal. Mais le plus important est que cela donne également à Bell&Ross une plus grande liberté dans sa démarche créatrice. Grâce à cet accès à une gamme plus large de mouvements, de nouvelles complications sont rajoutées, les boîtiers sont agrandis, les cadrans sont retravaillés avec un moindre risque de déséquilibre dû aux entraxes ou autres contraintes des mouvements ETA.
Le Chronographe Monopoussoir est disponible en deux versions. La version Héritage propose un cadran brun avec des chiffres, index et aiguilles luminescents. La version Ivory joue un registre plus élégant avec un cadran ivoire, des sous-compteurs blancs et des aiguilles bleuies. Chaque version a son charme même si à titre personnel, je préfère la version Héritage, plus en accord à mon goût avec l'inspiration militaire. Mais quelque soit la version, je considère cette montre comme la représentante la plus intéressante de la collection WW1. En effet, la complication me semble parfaitement adaptée au style du boîtier.
Le boîtier en acier poli conserve les caractéristiques inhérentes à la collection WW1: un diamètre imposant de 45mm, un entre-corne plutôt réduit afin de créer un joli effet visuel rétro et des anses à fil qui contribuent à donner du caractère. Le cadran est un modèle d'équilibre: la taille des compteurs et leur position font qu'à aucun moment, la montre ne semble "loucher" comme cela peut être le cas avec de telles tailles. La lisibilité est dans ce contexte excellente même si la graduation des secondes du chronographe ne comporte aucune représentation des xièmes de seconde intermédiaires. D'un autre côté, cela allège considérablement le design et ne choque pas ici. Les aiguilles feuille bleuies combinées au cadran ivoire me font immanquablement penser aux premières Bell&Ross Vintage en or même si à l'époque, les aiguilles étaient plus épaisses.
La couronne et le poussoir sont au diapason du boîtier: leurs tailles sont ainsi idéales afin de conserver des proportions harmonieuses vis-à-vis du boîtier. Le poussoir est relativement dur pour enclencher le chrono et plus souple lors de l'arrêt et de la remise à zéro. Clairement, ce ne sont pas les sensations d'une Lange mais il n'y a rien de rédhibitoire non plus, la taille du poussoir permettant de facilement appuyer dessus.
Le fond du boîtier est plein comme de coutume avec les WW1 et ne permet pas d'observer le mouvement. Ce dernier mérite cependant de s'y attarder quelques instants. Il s'agit d'un mouvement automatique Lajoux-Perret 8142 1 MPC créé exclusivement pour Bell&Ross. Il est donc adapté aux dimensions du boîtier grâce à son entraxe expliquant l'équilibre du cadran. De toutes les façons dans l'horlogerie, il n'y a pas de secret. Lorsque les mouvements sont adaptés au contexte des montres qu'ils animent, l'esthétique suit. Que ce soit avec ce Lajoux-Perret ou avec le Dubois-Depraz de la WW2 Régulateur, Bell&Ross montre un peu plus d'ambition en termes de contenu horloger avec des mouvements moins "passe-partout". La comparaison avec l'ETA 2894-2 (le traditionnel mouvement chronographe modulaire sur base 2892-2) peut être cruelle. Non pas en termes de performances mais d'implications côté cadran. Si vous prenez une Vintage Chronographe, même avec un boîtier plus petit (41mm), le cadran ne procure pas le même sentiment d'équilibre, les compteurs étant plus proches du centre de la montre. Et rien que pour cela, le Chronographe Monopoussoir témoigne d'un pas en avant qualitatif chez Bell&Ross.
Le Chronographe Monopoussoir s'inscrit dans la lignée des autres montres de la collection WW1 en étant confortable malgré le diamètre important du boîtier. Les anses à fil jouent ici un rôle très important en diminuant la perception de la taille. Attention cependant à une différence entre les deux versions: le cadran clair de l'Ivory rend la montre plus grande alors que les teintes sombres de l'Héritage lui donnent un aspect plus contenu. Si le boîtier est irréprochable, je ne peux pas en dire autant au niveau du poussoir. Sa taille fait qu'il est quasiment systématiquement au contact de la peau lorsque le poignet se relève. Je conseille donc fortement le test au porté en bougeant le poignet dans toutes les positions. Certains trouveront cette sensation, cette présence profondément agaçante et d'autres s'en ficheront comme moi. Mais il est important de forger sa propre opinion sur le sujet avant d'acquérir la montre.
En dehors de ce bémol, le Chronographe Monopoussoir présente un bilan positif grâce à l'utilisation d'un mouvement adapté et à une belle réussite esthétique d'ensemble. Il représente une voie que doit suivre Bell&Ross même si la contrepartie est l'augmentation de l'étiquette: les prix sont compris entre 5.500 euros (Héritage) et 5.950 euros (Ivory) à la rentrée 2012 soit un écart supérieur à 2.000 euros par rapport à d'autres chronographes du catalogue! L'avenir de Bell&Ross peut se situer alors dans la coexistence de deux niveaux de prix: l'un, plus abordable, pour sa clientèle traditionnelle et un autre, plus élevé, pour une clientèle recherchant un produit au design plus abouti et au contenu horloger plus solide.
Merci à l'équipe Bell&Ross pour son accueil pendant la Foire de Bâle.