Bernard Richards nous propose à travers sa nouvelle collection Bombers de quitter le ras du bitume pour nous envoler dans les nuages. Alors que sa marque est intimement liée à l'univers de l'automobile, cette nouvelle collection apporte une diversification de style bienvenue tout en conservant les caractéristiques qui font de BRM un cas à part dans le petit monde horloger. En fait, malgré la thématique différente, je retrouve dans chacune des Bombers le style inimitable de la marque qui peut être défini par l'approche radicale et colorée de son créateur. C'est sûrement la plus grande réussite de Bernard Richards: en très peu d'années, les montres BRM se reconnaissent au premier coup d'oeil alors que des marques plus établies recherchent encore leurs propres critères de différentiation. L'audace dont fait preuve Bernard Richards provoquent des réactions tranchées, à la fois d'adhésion ou de répulsion mais personne ne conteste la sincérité de sa démarche. Evitant soigneusement de créer des montres plus facile à aborder et donc à vendre, il répond en revanche aux attentes de sa clientèle fidèle, séduite par ce caractère entier.
Les Bombers suivent le même fil conducteur. Afin de répondre à la demande d'amis passionnés d'aviation qui souhaitaient pouvoir porter des montres inspirées par les appareils volants, Bernard Richards imagina plusieurs montres rendant hommage aux "warbirds", ces avions qui défendirent avec bravoure le ciel de leurs pays pendant la seconde guerre mondiale.
Le choix des "warbirds" comme point de départ pour créer cette collection est extrêmement judicieux. Tout d'abord, ces avions possèdent un caractère mythique compte tenu des missions qui leur étaient confiées et du courage dont firent preuve leurs pilotes. Ensuite, ils symbolisent les progrès de l'aviation de l'époque, à travers l'évolution des formes, de la conception des carlingues, des moteurs ce qui leur confère une étrange beauté. Enfin, ils permirent l'émergence d'une forme d'art, le "Nose Art" qui même s'il existait déjà lors de la première guerre mondiale, connut un formidable essor lors des années 40. Ces peintures avaient notamment pour but de porter chance et de faire oublier ne serait-ce que pendant quelques instants les conditions périlleuses dans lesquelles se déroulaient les missions. Le "Nose Art" était d'une certaine façon une forme d'art naïf, à la fois très graphique, très coloré dont un des thèmes favoris était les courbes sensuelles et généreuses des pin-up. Bref, toutes ces raisons donnèrent à Bernard Richards la possibilité d'exprimer son talent et d'appliquer ses recettes habituelles.
C'est bien évidemment les cadrans qui se remarquent d'abord. Selon les versions, ils reprennent les couleurs des cocardes des pays pour lesquels les "warbirds" combattaient (France, Japon, Royaume-Uni et Etats-Unis). Dans ce contexte, la version la plus intéressante est selon moi la Bombers US n°2 car non seulement le cadran profite d'un intéressant jeu de couleurs vives apporté par les différents symboles mais en plus, une jolie pin-up en sous-vêtements et jarretelles décore avec avantage son sommet... tout en chevauchant une bombe! Ce n'est rien d'autre que la "Miss Bombers" qui orne le cadran et après avoir observé et manipulé différentes versions, je dois avouer que la présence de la pin-up est un vrai plus car elle permet d'aller au bout de l'idée.
Il faut l'avouer, une Bombers n'est pas discrète et n'est pas faite pour cela. Alors, pin-up ou pas, cela ne change pas grand chose à ce niveau. Cependant, la pin-up apporte la touche définitive de folie, d'originalité et j'ai presque du mal à concevoir une Bombers sans. Et puis, peut-être pourra-t-elle porter chance au propriétaire de la montre?
Les aiguilles principales sont inspirées par les pales de l'hélice et en toute logique... se retrouvent avec la même longueur. Fort heureusement, la lecture de l'heure demeure aisée grâce à la touche de couleur au bout de l'aiguille des heures: leur taille identique n'est plus gênante. En revanche, leur épaisseur est plus problématique. Dans certains positions, elles empêchent de lire correctement les compteurs des minutes et des heures du chronographe. C'est alors à chacun de se forger sa propre opinion. Si la démarche décorative prévaut sur l'aspect fonctionnel, ce souci passe au second plan.
Le cadran et les aiguilles traduisent une montée de la qualité d'exécution. Il a souvent été reproché à Bernard Richards le côté relativement basique de certaines finitions. Je trouve sincèrement que des progrès sont à noter ici comme le prouvent notamment les chiffres du cadran qui sont peints sans défaut avec une légère touche de relief. La pin-up aurait pu être un poil plus détaillée mais le niveau de représentation suffit.
C'est cependant avec le boîtier que j'ai trouvé les progrès les plus spectaculaires. Est-ce l'acquisition de machines plus performantes? Une nouvelle méthode de travail? En tout cas le boîtier en inox d'un diamètre de 45mm a un rendu vraiment bluffant comme l'indiquent la parfaite insertion des rivets (un beau clin d'oeil à la carlingue des "warbirds") et l'intégration réussie des cornes en forme de tubulure d'échappement. La version présentée possède un revêtement PVD noir que je trouve un peu hors propos. Je préfère nettement le boîtier en inox brossé plus conforme à l'esprit des avions dont la montre s'inspire.
Chaque Bombers est équipée d'un mouvement ETA7753 qui se reconnaît grâce aux positions des sous-compteurs. Le mouvement est donc fiable, facile à réparer compte tenu de large diffusion. Le chronographe est un peu dur à lancer et ce ne ne sont pas les poussoirs en forme conique qui simplifient les choses. Mais la taille importante de ces poussoirs et de la couronne colle idéalement au design de la montre et contribue à l'atmosphère ludique de l'ensemble. Vous noterez la couleur du poussoir supérieur qui rappelle celle des cheveux de la pin-up!
Le fond du boîtier est plein, ce qui d'ailleurs n'est pas très grave compte tenu du mouvement. Il est recouvert d'une plaque décorative en laque multi-couche qui soit avec un bouledogue soit avec une tête de mort entourés de bombes rappelle le contexte guerrier de ces avions. Là encore, la finition de la décoration est tout à fait acceptable et permet de parachever la cohérence d'ensemble de ces Bombers.
Les Bombers sont des montres confortables au poignet grâce à un poids maîtrisé et des cornes adaptées. Le bracelet est assez rigide au départ compte tenu de son épaisseur. Je pense qu'il est inutile de préciser que les Bombers sont des montres qui se remarquent. Les multiples couleurs, le côté extrêmement proéminent des poussoirs, la forme et l'épaisseur du boîtier, tous ces détails agissent sur notre regard tel un aimant. Je pense qu'au final, c'est le principal intérêt de cette collection. Elle décoiffe, elle est excessive, elle n'est pas dénuée de défauts mais encore une fois avec Bernard Richards elle est cohérente dans sa démarche et originale dans le paysage horloger. Finalement ces Bombers ne s'adressent-elles pas aux mêmes personnes qui avaient été séduites par les Razzle Dazzle et Double Trouble de Max Büsser? Et en toute logique, la pin-up de Bernard Richards est bien plus abordable que celles de Max Büsser! Alors pourquoi ne pas monter dans le cockpit et se laisser transporter dans les cieux avec ces Bombers? Quant à Bernard Richards, il réussit de son côté un double pari, celui qui consiste à améliorer la qualité perçue et à sortir du pur univers automobile. En cela, ces Bombers sont importantes dans le futur développement de sa marque.
Merci à l'équipe de Hall of Time à Bruxelles pour son accueil.