Le mouvement chronographe de manufacture B01, dévoilé en 2009, constitue un pilier fondamental dans la stratégie de Breitling. Au-delà du renforcement de la légitimité horlogère, ce mouvement répond également à une logique industrielle qui doit donner à Breitling une plus grande indépendance vis-à-vis de ses fournisseurs traditionnels dont évidemment le Swatch Group. Il permet aussi, à travers sa présence grandissante au sein de la collection de faire croître significativement le prix moyen des montres vendues pour positionner la marque dans un segment supérieur. Cette stratégie de montée en gamme est d'ailleurs soutenue par l'accélération de l'ouverture de boutiques en nom propre dont une, récemment, à Paris, sur la prestigieuse rue de la Paix.
Breitling n'avait donc pas le droit à l'erreur avec son mouvement. C'est la raison pour laquelle il se caractérise à la fois par des performances techniques appréciables (embrayage vertical, roue à colonne, dispositif d'autocentrage des marteaux de remise à zéro, réglage de la raquetterie facilitée, changement de date instantané sans risque de dommage etc...) mais également par une architecture résolument contemporaine qui facilite les interventions et l'assemblage. Cet assemblage est lui-même optimisé, chaque mouvement étant posé sur une navette lui permettant de se déplacer d'un poste à l'autre tout au long du processus, alternant interventions des hommes et des machines. Breitling met en avant cette approche industrielle, nécessaire compte tenu du nombre élevé de mouvements à produire et garante de l'homogénéité de la qualité et de la fiabilité.
Le B01 a également été conçu pour facilement évoluer et accueillir des modules complémentaires. C'est ainsi qu'au cours de la Foire de Bâle de 2012 fut dévoilée la Transocean Chronographe Unitime, montre qui fait référence à la riche histoire de Breitling mais qui symbolise également sa nouvelle capacité à produire des calibres compliqués de manufacture.
Unitime est un nom qui résonne particulièrement aux oreilles des amateurs de Breitling puisqu'il incarna dans le passé toute une lignée de montres, aux vocations civiles ou militaires qui comportaient des complications permettant la lecture de l'heure sur plusieurs fuseaux. Les plus célèbres Unitime se reconnaissaient par leur lunette extérieure aux graduations particulières, le signe devant les chiffres indiquant le jour ou la nuit. Dans les années 50, Breitling avait produit des Unitime Heures Universelles qui reprenaient intégralement le système imaginé par Louis Cottier basé sur l'utilisation de deux anneaux indépendants, l'un avec les villes de référence des 24 fuseaux, l'autre avec les 24 heures. Ce système, d'une très grande ingéniosité, permet la lecture directe de l'heure dans chacun des 24 fuseaux. La seule manipulation que la complication exige est de positionner la ville du fuseau local en tant que ville de référence afin que les deux principales aiguilles affichent l'heure du lieu où le propriétaire de la montre se trouve. Lorsque cette manipulation est effectuée, grâce aux rotations des anneaux, tous les autres fuseaux se recalent automatiquement.
Dans mon esprit, 3 marques incarnent de nos jours la véritable complication des heures universelles:
- Patek Philippe bien entendu pour son approche extrêmement pure et efficace par le biais de montres à deux aiguilles,
- Girard-Perregaux pour sa capacité à avoir constitué toute une collection de montres autour de cette complication,
- Et Vacheron Constantin pour sa Patrimony Traditionnelle Heures du Monde permettant l'affichage de 37 fuseaux y compris les fuseaux décalés.
A cette prestigieuse liste, je pourrais rajouter aujourd'hui Breitling qui marque un grand coup avec la Transocean Chronographe Unitime. Grand est l'adjectif approprié car la montre se distingue par un impressionnant diamètre de 46mm. Et comme les cornes ne sont pas forcément courtes, les petits poignets devront passer leur chemin. Une des raisons de cette taille importante est le cumul de deux complications: le chronographe et les heures universelles. La présence des deux anneaux rend ainsi nécessaire l'utilisation d'un boîtier plus important. Je pense cependant que Breitling aurait dû essayer de contenir la montre autour de 43mm comme le fait Girard-Perregaux dans une configuration similaire afin de la rendre portable par un plus grand nombre. Le cadran y aurait gagné en équilibre: les compteurs et le guichet de date semblent un peu perdus en son centre.
L'Unitime n'est cependant pas dénuée d'atouts. Le premier atout est l'excellente qualité de finition, notamment au niveau du cadran. Les index et logo appliqués, la mappemonde, les différentes typographies sont tous parfaitement exécutés. Vous noterez sur l'anneau des fuseaux la présence de soleils qui prolongent la plage concernée par la ville de référence. Il s'agit bien sûr d'intégrer les décalages liés aux passages des heures d'été.
Le second atout est la facilité d'utilisation de la complication des heures universelles: point de poussoir un peu dur à faire fonctionner comme avec une Patek Philippe 5130, l'ajustement du fuseau local en tant que fuseau de référence s'effectue à la couronne en avant ou en arrière. Ceux qui se déplacent entre Londres et Paris et qui doivent appuyer 23 fois sur le poussoir pour se caler sur le bon fuseau savent de quoi je parle.
Le troisième atout est lié aux performances propres du mouvement B05, en fait une base B01 sur laquelle un module "maison" heures universelles a été greffé. L'Unitime possède ainsi un mouvement d'une fréquence de 4hz et d'une réserve de marche appréciable de près de 3 jours. Grâce à l'efficacité du système de date instantanée, le quantième s'ajuste automatiquement en avançant en cas de déplacement vers l'est ou en reculant vers l'ouest en fonction du nouveau fuseau local. A titre personnel, j'aurais préféré que la montre soit proposée sans guichet de date compte tenu de sa position. Mais il aurait été dommage de se priver de cette performance technique. A noter que Breitling a pris la bonne décision de mettre un fond plein puisque le
mouvement aurait semblé trop petit pour la taille du boîtier.
Enfin, le dernier atout est le service de "personnalisation" proposé par Breitling. La lunette des
villes de référence disponible en plusieurs langues, le cadran en deux teintes (blanc polar ou noir), le boîtier en acier ou en or rose sans oublier un bracelet en acier tressé qui peut être utilisé avec le boîtier acier, tous ses éléments font qu'une palette assez large d'Unitime s'offre au choix de la clientèle. Dommage cependant qu'à ma connaissance, il ne soit pas possible de décorer le cadran avec une mappemonde différente privilégiant d'autres continents.
Au poignet, l'Unitime est une montre qui dégage une très grande présence compte tenu de sa taille, des poussoirs et de la complexité du cadran, la mappemonde attirant facilement le regard. Le bon côté du gabarit imposant est la lecture aisée des informations y compris celles positionnées sur les deux anneaux des heures universelles. Le verre saphir convexe contribue également fortement à cette excellente lisibilité. Vous noterez que le compteur des minutes du chronographe, gradué sur 30 minutes, est fidèle à ceux de la ligne Transocean en mettant en avant les 3 premières sections de 3 minutes. Malgré la taille, l'Unitime s'est révélée être confortable à mon poignet. C'est plus le rendu visuel qui est plus gênant pour un poignet de ma taille, les cornes ayant tendance à déborder. Il est clair que sur des poignets modestes, l'Unitime paraîtra inappropriée. Il est donc important de bien la tester avant de faire son choix.
Incontestablement, Breitling a frappé un grand coup avec la Transocean Chronographe Unitime. Elle témoigne du saut qualitatif de la marque et de la capacité du mouvement B01 à tracter des complications additionnelles. Montre performante et séduisante, elle rate cependant le sans faute à cause de sa taille XXL qui constitue un obstacle pour les poignets modestes ou les amateurs de pièces plus discrètes. 2 ou 3 millimètres en moins auraient permis de la rendre plus accessible sans nuire à la lisibilité. Malgré ce bémol, le bilan reste nettement favorable, la possibilité de changer la langue de l'anneau des fuseaux faisant pencher définitivement la balance du bon côté.
Merci à l'équipe de la boutique Breitling Paris.