J'ai beaucoup de respect pour le travail accompli au sein de Hublot depuis plusieurs années. Qui d'ailleurs pourrait nier la réussite de l'action menée par l'équipe dirigée par Jean-Claude Biver? Le succès commercial soutenu par une forte augmentation du prix moyen de la montre vendue en est la meilleure preuve. Pour de nombreuses personnes, Hublot est également devenu la référence en matière de communication horlogère. Certes. Mais j'avais envie de réagir à travers la présentation de la 5 millions (de dollars) sur un des aspects pervers de cette communication.
Il y a des montres qui sont plombées par leur design. D'autres par leurs mouvements. Et puis il y a celles qui portent leurs noms comme un fardeau. C'est le cas de cette "5 millions". Ne soyons pas naïfs. Du point de vue stratégique, le choix du nom s'est révélé judicieux. Car en devenant la montre la plus chère de la Foire de Bâle 2012, elle soutenait le message du positionnement de Hublot en tant que marque d'exception puisque capable de produire une pièce à plusieurs millions de dollars.
Mais voilà, le problème est que le prix a totalement vampirisé la montre au point de reléguer au second plan le travail considérable de taille et de sertissage qui a été effectué.
La 5 millions réunit 1.282 diamants pour atteindre 100 carats de diamants baguette. Mais elle n'est pas une simple accumulation de pierres. Les diamants ont tous été soigneusement choisis pour leur formes et leur couleurs afin d'obtenir l'homogénéité optimale. Puis 14 mois de travail furent nécessaires à l'ensemble des différents corps de métier impliqués pour créer l'habillage autour du boîtier de 44mm de diamètre en or blanc. Le résultat est à la hauteur de cette qualité d'exécution puisque qu'aucune aspérité n'est visible, chaque pierre semblant parfaitement intégrée et exactement à la place qui lui est dévolue. De plus, les motifs géométriques dessinés par les diamants sont cohérents avec le boîtier Big Bang. Cette qualité devient encore plus perceptible lorsque la montre est mise au poignet car malgré le poids total, l'ensemble reste "portable" grâce à la relative souplesse du bracelet. Un bel exploit à ce niveau.
En revanche, d'une façon très surprenant et décevante, Hublot a fait le choix d'un mouvement courant pour animer cette montre. Il s'agit du calibre Hub1100, un Sellita SW300 sans date d'une réserve de marche de 42 heures et d'une fréquence de 4hz. Il est évident que l'intérêt de la pièce est dû aux pierres et au travail de sertissage. Mais était-ce une raison pour mettre un tel mouvement, certes sympathique et efficace mais loin d'être exclusif? Avec une montre vendue à 5 millions de dollars, n'y avait-il pas autre chose à proposer surtout dans le contexte d'une quête de crédibilité horlogère?
Et malheureusement cet exemple montre bien que Hublot, tout concentré dans l'atteinte de son objectif (à savoir l'étiquette la plus importante), s'est fourvoyé dans le sens du message qui a été adressé.
Une montre sertie est avant tout une montre qui raconte une histoire, qui met en scène des pierres et qui valorise le travail des artisans. La "5 millions" n'est pas dans ce registre. Elle ne raconte qu'une seule chose: son prix puisque c'est même son nom. Et ce prix exerce un véritable effet pervers car en devenant l'objet des conversations (ce qui était évidemment le but), il transforme la montre en caricature de pièce sertie... ce qu'elle n'est pas pour les raisons évoquées précédemment. A titre personnel, j'ai trouvé que cette façon de la nommer était à la fois vaine (demain matin une montre à 6 voire 10 millions de dollars peut sortir), peu respectueuse du travail qui la soutient et surtout manquant singulièrement de classe au moment où Hublot cherche à se positionner de façon permanente dans le gotha horloger. Bref, un acte qui n'ajoute rien à la gloire de Hublot.
Vous l'avez compris, je suis bien plus attiré et séduit par la démarche de Hublot avec la machine d'Anticythère que par cette approche à la limite du mauvais goût dont le message ridicule a un impact négatif sur une montre qui ne le mérite pas.
Merci à l'équipe Hublot pour son accueil au cours de la Foire de Bâle 2012.