C'est peut-être la plus belle réussite de la collection Opus de Harry Winston: au fil du temps, avant chaque Foire de Bâle, l'Opus de l'année est une des montres les plus attendues, les plus observées, les plus analysées. Ce coup de projecteur médiatique est tout à fait logique puisque plusieurs Opus sont devenues par le passé des icônes horlogères mettant en avant la créativité et la talent des horlogers indépendants. Le nom de l'heureux élu qui a collaboré avec Harry Winston fait partie des questions clé que tout le monde se pose avant de partir à la Foire et chose étonnante dans le microcosme, le secret est relativement bien gardé. Pour l'horloger, c'est évidemment un formidable témoignage de confiance de la part de Harry Winston qui ne peut confier la destinée de sa montre phare qu'à une personne portant un projet crédible et ambitieux. Mais c'est aussi une sacré pression qui tombe sur ses épaules car une Opus ne peut être considérée comme décevante ou quelconque: elle doit susciter des émotions, des interrogations autour des solutions techniques qui sont apportées, en d'autres termes, elle doit marquer son époque et apporter sa brique à l'édifice de l'innovation horlogère.
Le choix de l'horloger qui allait créer Opus 12 en collaboration avec Harry Winston s'est porté sur Emmanuel Bouchet, accompagné du designer Augustin Nussbaum. Je trouve ce choix pertinent et intéressant. Pertinent puisqu'Opus 12 est une véritable réussite proposant un affichage du temps dynamique et original. Intéressant car il permet, une fois n'est pas coutume, de mettre sur le devant de la scène le rôle clé joué par une société de conseil en développement horloger, très peu connue du grand public. Emmanuel Bouchet a fondé Centagora, en 2008 avec Christophe Lüthi, Nicolas Dürrenberger et Thierry Jacques. Opus 12, qui a nécessité plus de 7.500 heures de développement est le fruit d'un travail d'équipe réalisé par 5 personnes au sein de Centagora. Cette concrétisation permet de parfaitement appréhender le rôle d'une telle société: elle soutient l'ambition et la créativité des manufactures en leur apportant des idées nouvelles, un expertise technique, une compétence dans le passage du virtuel au concret, une capacité dans le prototypage et dans les tests. Il s'agit donc d'un rouage essentiel dans la création des montres les plus ambitieuses.
Il y a une façon très simple finalement de juger la qualité de la conception d'une montre: c'est de compter le nombre de prototypes fonctionnels présents sur le stand de la Foire de Bâle. Et à ce niveau, je fus très rapidement rassuré: plusieurs prototypes d'Opus 12 circulaient... tous étant parfaitement fonctionnels et aux comportements homogènes. Nous savons tous qu'il est "facile" de réaliser un prototype qui fonctionne. En réaliser plusieurs, c'est déjà un autre débat. Quand à rendre la montre productible en x dizaines d'exemplaire, la difficulté passe alors dans une autre dimension. Opus 12 donne ce sentiment que d'ores et déjà elle est prête pour cette dernière étape (120 Opus 12 seront produites) ce qui prouve la rigueur dans le process de développement et de conception de la part de l'équipe de Centagora et l'efficacité de l'architecture du mouvement.
J'ai découvert Opus 12 à travers le premier communiqué de presse et je fus d'abord déçu. En fait, je la trouvais inutilement complexe n'ayant pas saisi toute la subtilité de son affichage. Soyons honnêtes: un texte peut difficilement décrire le ballet des aiguilles propre à cette pièce. Opus 12 fait partie de ces montres qu'il faut impérativement manipuler pour en saisir toute la substance. J'ai pu la faire fonctionner à Bâle et mon point de vue a radicalement changé. Opus 12 est remarquable car réinventant le vieux concept de l'heure vagabonde. Jamais d'ailleurs cette expression n'aura été aussi appropriée:l'"aiguille des heures" part littéralement en promenade pour effectuer un périple de 13/12ième de cadran pour se positionner à l'endroit requis. Opus 12 se focalise principalement sur cet affichage des heures et leur transition. En cela, elle s'inscrit dans la même démarche qu'Opus Eleven. Mais si cette dernière proposait une explosion du temps en éparpillant en quelques secondes les éléments constitutifs des chiffres avant de les rassembler, Opus 12 propose un thème beaucoup plus paisible à travers la déambulation sereine des heures autour du cadran. Il s'agit évidemment d'un effet visuel, l'aiguille des heures ne se déplaçant pas. En fait, ne cherchez pas les aiguilles centrales traditionnelles, il n'y en a point. Sur Opus 12,ce sont les index/aiguilles qui indiquent le temps.Ils sont à la fois repères et instruments de mesure. Ils pointent vers le centre de la montre pour rappeler que des indications complémentaires s'y trouvent.
Le temps est affiché en deux étapes qui ne sont pas loin de rappeler celles qu'effectue notre cerveau à la lecture d'une montre classique. Lorsque nous regardons un cadran et la position des aiguilles, les index nous permettent de voir immédiatement dans quelle segment de 5 minutes nous nous trouvons puis nous lisons la minute précise. D'ailleurs lorsqu'on nous demande l'heure, n'avons-nous pas tendance à arrondir aux 5 minutes pour répondre? L'Opus 12 va au bout de cette idée en séparant l'affichage de l'heure et des segments de 5 minutes de celui des minutes . Elle est constituée de 12 paliers ou paires d'index/aiguilles périphériques (les courtes pour les heures, les longues pour les segments de 5 minutes, chacune de ces 24 aiguilles ayant une face neutre et une face bleue) qui permettent de façon instantanée la lecture de l'heure à 5 minutes près.
Deux principales animations s'opèrent par le biais de ces 12 paliers. Toutes les 5 minutes, la longue aiguille bleue du palier qui correspond au segment de 5 minutes qui vient de s'écouler pivote sur elle même de façon instantanée afin de rendre visible sa face neutre. Parallèlement, la longue aiguille du palier qui suit pivote également pour que sa face bleue apparaisse. Ces deux pivotements sont imperceptibles car immédiats. Cette animation s'effectue donc 12 fois par heure. Mais c'est bien à la fin de chaque heure que la construction particulière d'Opus 12 prend tout son sens. En sus de l'animation liée au changement de segment de 5 minutes, démarre la longue déambulation de l'aiguille des heures. En fait, toutes les aiguille des heures effectuent une révolution autour des aiguilles des minutes, les unes après les autres et cette fois-ci lentement (face bleue / face neutre sur le palier de l'heure qui vient de s'écouler, face neutre / face bleue / face neutre pour les 12 paliers qui suivent et enfin face neutre / face bleue pour le palier correspondant à la nouvelle heure). Ce cheminement est une sorte de trompe-l'oeil qui grâce aux alternances de couleurs (neutre / bleue) et aux révolutions successives donne l'impression qu'une diode lumineuse se déplace. Le résultat est ébouriffant, unique et surtout surprenant car impossible à deviner tant que nous ne manipulons pas la montre.
Les deux animations des aiguilles d'Opus 12:
Ces animations sont rendues possibles grâces aux sections dentées positionnées verticalement aux extrémités des aiguilles et qui sont entraînées par deux couronnes périphériques. Les segments dentés extérieurs font pivoter sur elles-mêmes les aiguilles des minutes tandis que les segments dentés intérieurs font effectuer aux aiguilles des heures leurs révolutions autour des aiguilles des minutes.
Mais Opus 12 n'est pas que cela! Le centre de la montre mérite également le détour. Tout d'abord, l'aiguille complémentaire des minutes s'y trouve: elle permet la lecture du temps à la minute près. Elle est rétrograde, revenant à son emplacement initial lorsque le segment des 5 minutes s'achève et qu'un nouveau commence. Juste en dessous de la graduation des 5 minutes, en arrière plan, se trouve l'indication de la réserve de marche qui s'effectue par une aiguille de couleur neutre afin d'éviter toute confusion avec celle des minutes et la trotteuse. Enfin, la trotteuse se retrouve au premier plan, au-dessus de l'aiguille des minutes, ce qui est une autre particularité d'Opus 12.
Toutes ces animations n'auraient pas eu le même impact si le design n'avait pas été à la hauteur de l'ambition mécanique. Opus 12 puise son inspiration dans les gratte-ciels new-yorkais, dans les constructions métalliques, dans les pales des hélices. C'est une sorte de concentré de Chrysler Building! Il n'y a point de cadran puisque la mécanique joue le rôle de repères et d'indicateurs. Opus 12 est construite sur plusieurs niveaux et le mélange entre effets de transparence et de relief compose une atmosphère complexe, démonstrative mais qui reste lisible et cohérente. Le nom de la marque a été astucieusement apposée en périphérie, les 12 lettres HARRYWINSTON (une heureuse coïncidence!) devenant des index complémentaires. La reprise de l'arche de l'entrée de la boutique de New-York est discrète mais bien visible en face de la couronne. Les 46mm de diamètre du boîtier en or gris sont évidemment imposants. Mais il fallait bien cela pour offrir la scène adéquate à un tel spectacle.
Compte tenu de l'originalité de la présentation, du rôle joué par tous ces éléments de micro-mécanique, j'ai du mal à vous parler des finitions de la même façon qu'avec une montre classique. Opus 12 rassemble des pièces que seuls les meilleurs sous-traitants peuvent usiner. Certes, le polissage à la main des aiguilles prouve que l'approche traditionnelle de l'excellence horlogère est toujours présente. Mais nous nous trouvons au croisement entre deux mondes, celui où les métiers habituels de l'horlogerie rejoignent ceux de la micro-mécanique de précision. Tous les éléments qui contribuent à l'affichage du temps décorent la montre en même temps qu'ils l'animent.
J'ai beaucoup parlé des animations et de leurs impacts visuels: il est temps de se pencher sur la mécanique qui permet un tel résultat. Un des aspects les plus intéressants d'Opus 12 est le décalage entre le caractère innovant de l'affichage et la présentation très classique du mouvement côté ponts. Ce dernier fait référence aux calibres chronométriques à basse fréquence et à grand diamètre de balancier et dont la grande puissance permet une excellente régularité de marche. L'équipe de Centagora s'est placée dans la même perspective. Le mouvement à remontage manuel possède une fréquence de 2,5hz et une réserve de marche de 45 heures. Visuellement, il fait penser aux mouvements à platine 3/4 même s'il est composé de 3 ponts. Le pont de l'organe régulant est extrêmement large soulignant le diamètre important du balancier. Les rainures décoratives accompagnent les côtes de Genève circulaires et dessinent des ponts fictifs qui allègent l'aspect massif du mouvement. A titre personnel, j'aurais préféré que plus d'éléments soient dévoilés mais cette présentation du mouvement est avant tout orientée vers l'efficacité. Et puis, c'est bien côté face que le spectacle se déroule.
Mais Opus 12 n'est pas que cela! Le centre de la montre mérite également le détour. Tout d'abord, l'aiguille complémentaire des minutes s'y trouve: elle permet la lecture du temps à la minute près. Elle est rétrograde, revenant à son emplacement initial lorsque le segment des 5 minutes s'achève et qu'un nouveau commence. Juste en dessous de la graduation des 5 minutes, en arrière plan, se trouve l'indication de la réserve de marche qui s'effectue par une aiguille de couleur neutre afin d'éviter toute confusion avec celle des minutes et la trotteuse. Enfin, la trotteuse se retrouve au premier plan, au-dessus de l'aiguille des minutes, ce qui est une autre particularité d'Opus 12.
Toutes ces animations n'auraient pas eu le même impact si le design n'avait pas été à la hauteur de l'ambition mécanique. Opus 12 puise son inspiration dans les gratte-ciels new-yorkais, dans les constructions métalliques, dans les pales des hélices. C'est une sorte de concentré de Chrysler Building! Il n'y a point de cadran puisque la mécanique joue le rôle de repères et d'indicateurs. Opus 12 est construite sur plusieurs niveaux et le mélange entre effets de transparence et de relief compose une atmosphère complexe, démonstrative mais qui reste lisible et cohérente. Le nom de la marque a été astucieusement apposée en périphérie, les 12 lettres HARRYWINSTON (une heureuse coïncidence!) devenant des index complémentaires. La reprise de l'arche de l'entrée de la boutique de New-York est discrète mais bien visible en face de la couronne. Les 46mm de diamètre du boîtier en or gris sont évidemment imposants. Mais il fallait bien cela pour offrir la scène adéquate à un tel spectacle.
Compte tenu de l'originalité de la présentation, du rôle joué par tous ces éléments de micro-mécanique, j'ai du mal à vous parler des finitions de la même façon qu'avec une montre classique. Opus 12 rassemble des pièces que seuls les meilleurs sous-traitants peuvent usiner. Certes, le polissage à la main des aiguilles prouve que l'approche traditionnelle de l'excellence horlogère est toujours présente. Mais nous nous trouvons au croisement entre deux mondes, celui où les métiers habituels de l'horlogerie rejoignent ceux de la micro-mécanique de précision. Tous les éléments qui contribuent à l'affichage du temps décorent la montre en même temps qu'ils l'animent.
J'ai beaucoup parlé des animations et de leurs impacts visuels: il est temps de se pencher sur la mécanique qui permet un tel résultat. Un des aspects les plus intéressants d'Opus 12 est le décalage entre le caractère innovant de l'affichage et la présentation très classique du mouvement côté ponts. Ce dernier fait référence aux calibres chronométriques à basse fréquence et à grand diamètre de balancier et dont la grande puissance permet une excellente régularité de marche. L'équipe de Centagora s'est placée dans la même perspective. Le mouvement à remontage manuel possède une fréquence de 2,5hz et une réserve de marche de 45 heures. Visuellement, il fait penser aux mouvements à platine 3/4 même s'il est composé de 3 ponts. Le pont de l'organe régulant est extrêmement large soulignant le diamètre important du balancier. Les rainures décoratives accompagnent les côtes de Genève circulaires et dessinent des ponts fictifs qui allègent l'aspect massif du mouvement. A titre personnel, j'aurais préféré que plus d'éléments soient dévoilés mais cette présentation du mouvement est avant tout orientée vers l'efficacité. Et puis, c'est bien côté face que le spectacle se déroule.
Le défi qui a dû être relevé est celui de la gestion de la puissance. Celle-ci doit être délivrée de façon adéquate en évitant des pointes de consommation toutes les 5 minutes et toutes les heures pour ne pas perturber le bon fonctionnement de la pièce et sa chronométrie. Deux barillets indépendants sont utilisés, chacun avec un rôle bien précis. Le premier fournit l'énergie nécessaire au fonctionnement du mouvement tandis que le second alimente le mécanisme d'animation des aiguilles. Afin d'éviter les à-coups, le barillet de l'animation est accompagné d'un différentiel dont le rôle est de répartir l’énergie entre les couronnes des minutes et les couronnes des heures qui entraînent les segments dentés. Le mouvement possède un second différentiel qui permet l'affichage de la réserve de marche. Ce second différentiel est en effet nécessaire car les deux barillets se remontent simultanément à la couronne et se dévident à la même vitesse. D'ailleurs le mouvement s'arrête lorsque l'énergie nécessaire à l'affichage n'est plus disponible. La complexité du mouvement est soulignée par son nombre de composants: 607 composants dont plus de 200 sont différents.
Opus 12 est d'abord déroutante au poignet: son gabarit (notamment son épaisseur) et son poids lui donnent un aspect excessif. Heureusement, elle se positionne bien sur le poignet et ne bascule pas. Compte tenu de son affichage, elle semble d'abord inerte, la trotteuse étant discrète et ayant surtout un rôle de témoin de marche. Et puis les détails de la montre, ses différents niveaux, son côté intriguant la rendent de plus en plus séduisante. Je dirais même que sa capacité à attirer la lumière l'allège visuellement.
L'animation des 5 minutes se sent lorsque la montre est portée: cela est dû au mouvement rétrograde de l'aiguille complémentaire et au pivotement instantané de l'aiguille périphérique. Mais le problème d'Opus 12 est que lorsque la fin de l'heure approche, nous stoppons toute activité pour être sûr de ne pas rater l'animation! Eh oui, cette Opus peut créer une frustration. L'animation est si parfaitement réalisée que si nous nous rendons compte que nous venons de la rater, cela énerve! Un reproche que j'avais fait à Opus Eleven était la rapidité de l'animation de changement d'heure qui pouvait rendre cette frustration encore plus présente. Heureusement sur Opus 12, l'animation est plus longue (une quinzaine de secondes) récompensant ainsi l'attente!
L'animation des 5 minutes se sent lorsque la montre est portée: cela est dû au mouvement rétrograde de l'aiguille complémentaire et au pivotement instantané de l'aiguille périphérique. Mais le problème d'Opus 12 est que lorsque la fin de l'heure approche, nous stoppons toute activité pour être sûr de ne pas rater l'animation! Eh oui, cette Opus peut créer une frustration. L'animation est si parfaitement réalisée que si nous nous rendons compte que nous venons de la rater, cela énerve! Un reproche que j'avais fait à Opus Eleven était la rapidité de l'animation de changement d'heure qui pouvait rendre cette frustration encore plus présente. Heureusement sur Opus 12, l'animation est plus longue (une quinzaine de secondes) récompensant ainsi l'attente!
Opus 12 est une montre qui nécessite du temps pour rentrer dans son univers. Au départ, la présence de 27 aiguilles peut sembler superflue pour indiquer simplement l'heure... et lorsque ces aiguilles s'animent, nous comprenons alors tout l'intérêt de la complexité du mécanisme d'affichage. Le talent de l'équipe de Centagora et de Harry Winston est d'avoir su faire disparaître cette complexité derrière le charme du ballet des aiguilles. Ce chef d'oeuvre horloger et micro-mécanique est avant tout un formidable vecteur d'émotions qui marque de son empreinte l'histoire pourtant déjà très riche de la collection Opus.
Un grand merci à l'équipe Harry Winston, à Emmanuel Bouchet et à Nicolas Dürrenberger pour leur accueil pendant la Foire de Bâle.
Un grand merci à l'équipe Harry Winston, à Emmanuel Bouchet et à Nicolas Dürrenberger pour leur accueil pendant la Foire de Bâle.