Pascal Coyon: Chronomètre Calibre 19

On ne peut pas reprocher à Pascal Coyon de passer trop de temps à communiquer au détriment de son activité à l'établi. Car Pascal est plutôt discret sur son tout dernier mouvement, le calibre 19. Mais a-t-il vraiment besoin d'être visible ? Après tout, la qualité de son travail est reconnue par les connaisseurs et ses meilleurs ambassadeurs sont les clients qui furent séduits il y a quelques années par le Chronomètre 1900 et son magnifique calibre. Les plus curieux d'entre nous avaient cependant vu des photos du calibre 19 qui avaient été publiées ici ou là, et des informations avaient été transmises en direct aux collectionneurs intéressés. Cela a suffi à aiguiser ma curiosité. En tant qu'heureux possesseur d'un des Chronomètres de la première série (et je sais que de très nombreux amateurs ont regretté de ne pas avoir pu se positionner sur cette pièce), j'avais envie d'en savoir plus et surtout d'apprécier de façon tangible ce qui distinguait le calibre 19 du fameux calibre 1900 initial. A quelque chose, malheur est bon... La crise sanitaire m'a permis il y a quelques semaines de me rapprocher de l'atelier de Pascal Coyon situé dans les Landes et nous avons pu nous rencontrer dans le Sud-Ouest beaucoup plus facilement qu'à Paris. Et c'est ainsi que je pus découvrir de visu le calibre 19 et les prototypes de deux configurations équipées de ce calibre.

Le Chronomètre Calibre 19:


Vous notez que j'utilise une terminologie particulière: celle de configuration. Car Pascal Coyon ne propose pas aujourd'hui une montre qui se déclinerait en plusieurs versions officielles bien normées. Il offre un choix très large de cadrans, d'aiguilles autour d'un boîtier disponible en or gris, en or rose ou en platine pour habiller le calibre 19. Au bout du compte,le nombre de combinaisons est extrêmement élevé sans oublier, moyennant une tarification spéciale, la possibilité de personnaliser certains éléments comme par exemple en demandant un cadran spécifique en émail. Les seules limites dans cette démarche sont l'imagination et les goûts du client!

Mais au bout du compte, en quoi consiste la proposition de Pascal Coyon ? Elle peut se résumer assez simplement. L'horloger français offre la possibilité d'acquérir une montre chronomètre classique dans un boîtier en métal précieux et animée par un mouvement exclusif, le calibre 19, réalisé dans la plus pure tradition horlogère et offrant un niveau de finition d'exception. Le client va choisir le type de finition du calibre 19 puis les éléments de l'habillage pour commander une montre qui répondra ainsi à ses attentes tant du point de vue technique qu'esthétique.

Le calibre 1900: 


La pierre angulaire de l'offre de Pascal Coyon est donc le calibre 19. Sa référence pourrait laisser penser qu'il découle du calibre 1900. Oui d'une certaine façon, car il partage le même esprit, celui des calibres chronomètres à remontage manuel, à grand balancier et à basse fréquence (2,5hz). Mais en réalité le calibre 19 n'a rien à voir avec le calibre 1900. Cela se voit et ressent. Je rappelle que le calibre 1900 reprenait les éléments mobiles du calibre Unitas qui étaient par la suite retravaillés par Pascal Coyon. De plus, les ponts étaient revus. Le résultat était spectaculaire et je considère aujourd'hui le calibre 1900 comme un des mouvements les plus aboutis ayant comme point de départ l'Unitas. Au-delà de la finition tant technique que décorative (prenons par exemple la forme des dents des rouages), le calibre 1900 procure beaucoup de plaisir au quotidien notamment lors du remontage.

Le calibre 19:

 

Alors, comment Pascal Coyon est-il parvenu à créer un calibre d'un niveau encore plus élevé? C'est la combinaison de deux facteurs. Le premier paramètre, non des moindres, est que le calibre 19 est exclusif. Seule la tige du remontoir provient d'un calibre Unitas. Mais pour le reste, tous les éléments du calibre lui sont spécifiques. Cela a permis à Pascal Coyon de dessiner ce mouvement à partir d'une feuille blanche tout en conservant, bien entendu, ce respect des grands principes de l'horlogerie traditionnelle consistant à atteindre la précision chronométrique et la stabilité de marche comme en témoigne le diamètre du balancier et la basse fréquence. L'énergie du barillet du calibre 19 n'est pas destinée à monter la fréquence ou à accroître la réserve de marche: elle vise à donner du couple, le mouvement devant avoir un comportement peu ou prou identique à la fin de la réserve de marche qu'au début. De fait ce calibre de 16 lignes (un diamètre très respectable!) possède une réserve de marche de 40 heures pour une fréquence de 2,5hz et on perçoit bien à travers ces données la priorité de l'utilisation de l'énergie.

Les reflets de lumière sont spectaculaires sur le Calibre 19:


 

Le second paramètre est immédiatement perceptible: ce sont les finitions techniques et décoratives. L'architecture du calibre 19 est similaire à celle du calibre 1900 et c'est ce qui permet de mieux apprécier les différences de finition entre les deux mouvements. En fait, le calibre 19 est l'aboutissement d'un projet collectif et familial. Trois personnes sont à la base de ce projet. Pascal, sa fille Barbara et Perrine, la fille de l'épouse de Pascal. Barbara s'est spécialisée dans l'exécution des finitions des pièces du calibre: anglage, polissage, perlage, grenaillage etc... ainsi que dans celles des éléments de l'habillage comme les aiguilles en or ou en acier bleui fabriquées en interne. Perrine a également suivi une formation sur les finitions et travaille particulièrement sur les simulations en 3D afin de répondre aux sollicitations des clients qui demandent des représentations de leurs demandes. C'est le travail conjoint de Pascal, Barbara et Perrine qui permet d'obtenir ce niveau de finition exceptionnel.

Quelques exemples de cadran. Le cadran en bas à droite est en émail. A noter que le cadran à secteur en haut à gauche a fait l'objet d'une demande particulière car il utilise la forme des chiffres de l'autre cadran de base:


S'il fallait résumer en une seule caractéristique la différence entre le calibre 1900 et le calibre 19, ce serait la façon qu'a ce dernier de capter et de jouer avec la lumière de façon beaucoup plus spectaculaire. C'est cette sensation qui permet d'apprécier toute la qualité et la subtilité du travail. Car je rappelle que le calibre 1900 avait déjà une finition de très haut niveau. Mais avec le calibre 19, tous les détails sont poussés à l'extrême. Ce qui m'a le plus surpris, c'est la finition des rouages et des roues maison. Les rouages ont une denture ogivale à fond plat et les bras des serges sont anglés à la main. Certes, les rouages ne sont pas les éléments les plus faciles à observer mais lorsqu'on observe de prêt l'exécution de la roue de centre, on est immédiatement séduit par sa beauté et la précision de la réalisation. La roue de couronne et le rochet sont bien plus facilement observables et ils procurent aussi beaucoup de plaisir. Le contraste de la finition entre la zone centrale et la zone périphérique crée de magnifiques reflets de lumière tout comme toutes les pièces en acier qui sont terminées avec une finition poli-bloquée. J'aime beaucoup la forme du cliquet sans oublier celle des dentures du rochet et de la roue de couronne.

Le rendu des cadrans change beaucoup en fonction des conditions de lumière:

 

 


Les ponts sont évidemment anglés à la main et j'apprécie particulièrement leurs formes. Le pont de la roue d'échappement est un chef d'oeuvre à lui tout seul grâce à son exécution "bicolore": laiton et acier. Quant à l'organe réglant, il n'est pas en reste, mis en valeur grâce à son système de réglage à colimaçon. A noter que le balancier à inertie variable possède une visserie en or développée au sein de l'atelier. Le spiral est bleui pour rappeler les montres anciennes.

L'observation d'un tel calibre provoque l'émerveillement. Les reflets de lumière sont multiples et surtout le rendu change très rapidement selon l'inclinaison des rayons lumineux. Je pense par exemple aux cotes des ponts ou à la roue de couronne et au rochet. Et puis la taille propre du calibre contribue aussi fortement à cette réussite: il remplit parfaitement le boîtier ce qui est très agréable. Enfin, et c'est une spécificité des mouvements à basse fréquence et à grand balancier, le tic-tac est majestueux... Je n'ai pu que tomber sous le charme de ce mouvement lorsque je l'ai découvert car il sollicite la vue et l'ouïe avec raffinement et magie.


Mais nous le savons tous, un calibre seul n'est rien. Il doit être habillé et rien ne serait plus frustrant que de constater un habillage en décalage avec son contenu technique et décoratif. Fort heureusement, il n'en est rien dans le contexte du Chronomètre Calibre 19. Pascal Coyon propose cette fois non pas des boîtiers et des cadrans génériques comme dans le contexte du calibre 1900 mais un habillage complet qui est spécifique et dédié au calibre 19. De plus, les aiguilles donnent l'occasion à Barbara Coyon d'exprimer son talent.

Dans tous les cas, le boîtier possède un diamètre de 39,8mm ce qui est une taille idéale pour une montre chronomètre à trois aiguilles. Pour rappel, le calibre a un diamètre propre de 16 lignes (soit 36mm) et il n'aurait pas été possible d'utiliser un boîtier plus petit. Un boîtier plus grand n'aurait pas eu de sens non plus car le cadran est parfait ainsi du fait de l'emplacement du secteur de la trotteuse.

Il existe deux types de cadran de base. Le premier est à secteurs et comporte des chiffres et des appliques en or, sans oublier une graduation périphérique. Le second est à chiffres appliqués exclusivement avec une minuterie périphérique composée de points. La graduation de la trotteuse est évidemment adaptée au contexte du cadran. Il s'agit de cadrans classiques, traditionnels qui ne sont pas révolutionnaires du point de vue esthétique mais qui sont parfaitement adaptés au contexte du calibre 19.


A titre personnel, j'ai une préférence pour le cadran à secteur que je trouve plus dynamique. Les chiffres du cadran à secteur sont selon moi plus contemporains que ceux du cadran à chiffres appliqués et je trouve que la différence de finition entre la zone centrale et la zone périphérique apporte un vrai plus. Le cadran à chiffres appliqués est plus pur et agrandit la taille perçue de la montre. Au bout du compte, le choix s'effectue selon les goûts de chacun car dans chaque cas, la finition est irréprochable et surtout digne de celle du mouvement. Et comment ne pas évoquer l'élément indispensable à la réussite de cette montre à savoir les aiguilles ? Plusieurs types d'aiguilles sont disponibles: en acier bleui ou en or, de type Breguet, feuille, poire, glaive... Barbara Coyon apporte un soin tout particulier à la réalisation et la finition de ces aiguilles qui subliment le cadran. C'est la raison pour laquelle le choix de la paire d'aiguilles principales est crucial. Inutile de préciser que cette sélection est très délicate car chaque type d'aiguilles semble se marier parfaitement avec le cadran. De nouveau, c'est une question de goût et de souhait de donner un côté plus traditionnel ou contemporain à la montre.


Le boîtier n'est disponible qu'en métal précieux. De toutes les façons, compte tenu de la petite série, un boîtier en acier ne changerait pas fondamentalement le prix de la montre. Il est lui aussi classique dans son interprétation mais en tout cas le résultat est visuellement beaucoup plus fluide et élégant qu'avec les boîtiers à disposition du calibre 1900. L'épaisseur au niveau du sommet du verre bombé est de 10,5mm ce qui donne un ratio diamètre (39,8mm hors couronne) sur hauteur très raisonnable. Les cornes sont très incurvées ce qui permet au boîtier de bien se positionner sur le poignet. La couronne se manipule avec aisance compte tenu de sa taille sans être trop proéminente ce qui est un bon point pour l'élégance de l'ensemble. A noter qu'il est possible de brosser ou polir les flancs de la carrure pour apporter une touche de personnalisation.

Compte tenu de ce niveau d'excellence et d'exigence, le prix de commercialisation du Chronomètre Calibre 19 se situe à un niveau bien plus élevé que ne le fut celui  du Chronomètre Calibre 1900. Les prix sont de 30.500 euros HT pour les versions en or gris ou or rose et de 39.500 euros HT en platine. Bien entendu, ces prix sont revus si des demandes spécifiques sont adressées comme par exemple un cadran en émail. En tout cas, en découvrant les montres et le calibre 19, je n'ai eu aucun doute sur la pertinence de ce niveau tarifaire. Les montres sont parfaitement réalisées et animées par un calibre d'exception que je considère comme étant un des plus beaux mouvements à remontage manuel actuels.


Certes, le Chronomètre Calibre 19 n'est pas une montre d'une très grande originalité esthétique. Mais elle offre un design avant tout intemporel et surtout cohérent avec le mouvement. J'ai été sous le charme de cette montre et les deux exemples de configuration que j'ai découverts m'ont convaincu de la justesse du travail de Pascal, Barbara et Perrine. La montre s'adresse avant tout à des collectionneurs avertis recherchant une pièce à vocation chronométrique fidèle à la plus pure tradition horlogère. Je peux vous affirmer qu'ils ne seront pas déçus. En fait, le plus dur consiste à bien choisir les éléments de l'habillage et cette étape est un véritable casse-tête! Mais une fois cette étape réalisée et la commande lancée, il faudra alors attendre entre 12 et 18 mois pour recevoir la montre... L'attente est longue mais logique et la patience sera récompensée. Le Chronomètre Calibre 19 apportera, j'en suis sûr, beaucoup de satisfaction à ses propriétaires: rien que la sensation procurée par le remontage quotidien démontre le caractère exceptionnel du travail qui est réalisé. Décidément, comme j'aime le rappeler régulièrement, la France devient un pays crédible dans le segment de la haute horlogerie artisanale. Et le fait que le Chronomètre Calibre 19 soit en provenance de mon Sud-Ouest natal me réjouit encore plus !