Kari Voutilainen: Vingt-8 SC (28SC)

La  28SC (seconde centrale) de Kari Voutilainen vient de remporter le prix de la montre homme lors de la dernière édition du Grand Prix d'Horlogerie de Genève. J'avais eu l'occasion de la voir il y a quelques semaines lors des Geneva Watch Days et elle m'avait alors fortement séduit. Je peux donc comprendre le choix du jury.

Elle n'est évidemment pas la montre la plus surprenante de l'année. Le style Voutilainen est reconnaissable au premier coup d'oeil grâce aux aiguilles principales, au design et aux chiffres du cadran. Cependant, elle possède une grande différence par rapport à ces devancières y compris la 28Sport: une seconde centrale. Cette seconde centrale est une excellente nouvelle. Je trouve qu'elle renforce le concept de montre instrument et elle est totalement cohérente avec la volonté de Kari Voutilainen de s'inscrire dans la grande tradition des  pièces chronométriques à basse fréquence et à grand balancier.

Le mouvement qui anime la 28SC est le calibre de manufacture Vingt-8 qui se distingue par son organe réglant spécifique qui combine:

  • un spiral utilisant pour sa partie interne la courbe de Grossmann et pour sa partie externe la courbe de Philips, 
  • deux roues d'échappement qui donnent une impulsion directe au balancier.

Ces solutions techniques ont pour but de limiter la consommation d'énergie et d'obtenir un comportement constant tout le long de la réserve de marche. On perçoit bien à travers les performances du mouvement (une réserve de marche de 65 heures pour une fréquence de 2,5hz) que Kari Voutilainen a veillé à trouver le bon compromis entre cette durée et la stabilité du comportement. Je trouve d'ailleurs que la réserve de marche atteint une durée tout à fait satisfaisante malgré la taille du balancier. La preuve que la consommation d'énergie a été bien maîtrisée.

Le mouvement n'est pas seulement efficace: il est également très beau. En premier lieu du fait de son architecture: la platine est ouverte (s'il fallait prendre une analogie avec l'horlogerie allemande, nous ne sommes pas avec une platine 3/4 mais une platine 1/2) et le pont du balancier est profilé afin de dévoiler intégralement le balancier. Le résultat est spectaculaire compte tenu du diamètre de ce balancier qui est proche des 14mm. Cette taille rend ses lentes oscillations encore plus majestueuses. De plus, le mouvement de la 28SC comporte un pont supplémentaire lié à la seconde centrale. L'emplacement et la forme de ce pont sont impressionnants. Ce dernier s'insère dans la zone comprise entre le bord de la platine et les contours de la roue de couronne et du rochet. Visuellement, le mouvement est parfaitement organisé, limpide et offre de très beaux effets de relief et de profondeur.

De plus, sans surprise, la qualité des finitions est au rendez-vous: polissage des vis et des surface en acier, polissage des surfaces des pignons et des roues, anglage, perlage, le résultat est parfait. Le mouvement reste cependant sobre dans son style et c'est voulu. Cette finition répond à deux logiques: celle d'accompagner la finition technique et de mettre en valeur l'architecture du mouvement. La finition de la pièce que je préfère est celle du pont du balancier qui apparaît presque comme un rayon lumineux au-dessus du balancier.

Le propriétaire de la montre est récompensé par cette qualité d'exécution. Car au-delà des caractéristiques techniques du mouvement, ce dernier offre aussi une très grand facilité d'utilisation au quotidien. Le remontage manuel procure beaucoup de plaisir, amplifié par la taille agrandie de la couronne qui se manipule avec facilité. A noter que cette couronne est assez plate afin d'obtenir une meilleure intégration esthétique.

Le cadran (fabriqué par la société Comblémine qui appartient à Kari Voutilainen) n'est pas en reste. La version de la 28SC que j'ai vue possède un cadran en argent avec un rehaut bleu. Les reflets de lumière sont magnifiques, créés par le contraste entre les deux types de guillochage: en grain d'orge sur le tour d'heure et soleillé sur la zone centrale. Bien entendu, je retrouve les deux aiguilles principales typiques, terminées et polies à la main. Je n'oublie pas ce qui fait la singularité de la 28SC, la seconde centrale. Sa finesse, sa longueur (elle semble lécher la lunette) et son extrémité courbée  la distinguent des aiguilles principales. A noter le joli contrepoids qui permet de suivre encore plus facilement le parcours de l'aiguille. Quant aux chiffres et index appliqués, ils apportent du relief et renforcent la qualité perçue.

Le boîtier en titane s'inscrit dans le prolongement de celui de la 28Sport avec des cornes redessinées de façon concave. Cela lui confère un style plus contemporain. Son diamètre est de 38,5mm et sa hauteur est de 13,3mm (soit 1,8mm de plus que le boîtier habituel de la 28 du fait du pont de la seconde centrale). Le ratio diamètre/hauteur est plutôt faible, la montre apparaît comme un peu épaisse pour une pièce élégante. Mais il suffit alors de la retourner pour comprendre tout l'intérêt d'une telle hauteur. Les effets de profondeur du mouvement sont saisissants! 

La 28SC de Kari Voutilainen est donc une montre exceptionnelle. Elle n'offre pas de grande surprise par rapport aux autres modèles équipés du mouvement Vingt-8 mais l'attrait de la seconde centrale et la qualité irréprochable de l'exécution la rendent très désirable. Elle représente la quintessence de ce que doit être une monde traditionnelle de haut niveau et à vocation chronométrique. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais qu'une telle montre soit accompagnée d'un bulletin de marche et d'une certification chronomètre. La seconde centrale prendrait alors tout son sens.

La 28SC est disponible à un prix de 74.000 francs suisses dans le cadre d'une série de 10 pièces en titane. 10 pièces seront également disponibles en acier.

Merci au Salon des Horlogers à Genève.

Les plus:

+ les performances et la beauté du mouvement

+ l'attrait de la seconde centrale qui anime joliment le cadran

+ la qualité des finitions

Les moins:

- un boîtier un peu épais

- il serait pertinent que la montre soit automatiquement délivrée avec un bulletin de marche et une certification chronomètre