Watches & Wonders 2020: tout est là mais il manque l'essentiel

Finalement la situation sanitaire actuelle aura permis de tester d'une certaine façon ce que peut être un salon horloger virtuel. Après tout, c'était ce qu'un certain nombre souhaitait lorsque se posait la question de l'avenir des salons et pas seulement celui de Baselworld. Mais à quoi servent ces grandes messes alors qu'une présentation en ligne suffit? Mais oui, après tout à quoi cela peut bien servir puisque les photos sur Instagram, les vidéos permettent de présenter les produits?

Eh bien la démonstration vient d'être faite avec la présentation des nouveautés de Watches & Wonders 2020: un salon horloger physique sert à quelque chose, plus que jamais.

J'ai rarement ressenti un tel manque d'âme, de chaleur dans cet étalage de nouveautés. Certes, les marques ont bien travaillé et certaines ont veillé à se distinguer dans dans la forme que dans le fond. Mais ce bombardement de photos corporate reprises par tous les médias de la terre (que l'on sentait dans les starting-blocks... attention à 17h59 CET aujourd'hui, tout le monde était prêt à dégainer...) tourne très vite en rond. Chacun va sur son commentaire sur des montres que personne n'a vu. Alors à part répéter le communiqué de presse, l'exercice peut très vite s'avérer vain. C'est pour cela que je donnerai mon avis de façon concise... parce que moins j'en dirai, plus j'éviterai de raconter n'importe quoi. Trop de choses arrivent en même temps et on a du mal à hiérarchiser. Alors qu'en étant présent sur le Salon, on découvre petit à petit les nouveautés et surtout on les découvre avec le plaisir de la surprise. L'atmosphère et la fébrilité des stands me manquent mais ce sont surtout les discussions et les échanges avec les acteurs et les autres visiteurs qui me font le plus défaut: combien de fois une discussion impromptue dans un couloir m'a donné une autre perspective, une autre façon de penser? Une montre, c'est une aventure humaine avant tout. La présentation virtuelle désincarne totalement.



Et puis, l'horlogerie, c'est une histoire de produit. Une montre, cela se touche, cela se caresse, cela se porte, cela se voit, cela s'entend. Une montre mobilise quasiment tous les sens... même parfois l'odorat... n'est-ce pas avec les bracelets caoutchouc vanille? Comment peut-on décemment écrire un article complet sur une montre répétition minutes sans l'avoir entendue? Comment peut-on écrire sur un chronographe sans avoir joué avec les poussoirs ? Comment décrire le plaisir du remontage ? Le confort au porter ? Comment parler de lisibilité?

Cela n'empêche pas les experts de s'exprimer longuement sur tel ou tel modèle interprété uniquement grâce aux photos des marques. Même pour ceux qui ne se rendent pas sur les salons, la frustration peut être grande: impossible d'avoir des photos live, plus décontractées, moins calculées et surtout... moins retouchées!

Bref, l'expérience de Watches & Wonders 2020 est extrêmement révélatrice: elle met d'abord en avant le professionnalisme de l'organisation et le sérieux avec lequel cette révélation des nouveautés a été faite. Et de toutes les façons: il était impossible de faire autrement dans le contexte dans lequel nous nous trouvons. Mais elle démontre aussi qu'un salon n'est pas qu'une cérémonie de présentation de nouvelles montres. C'est un lieu d'échange, une Agora où tous les acteurs se rencontrent, partagent, soutiennent ou critiquent des idées, des projets, des concepts. Et cette émulsion me manque beaucoup. Alors je croise les doigts pour que l'édition 2021 puisse se tenir sans encombre (nous savons tous, hélas, que la crise sanitaire va durer...) car l'horlogerie, petite industrie, a plus que jamais besoin d'avoir un véritable lieu de rassemblement. De rassemblement physique et pas virtuel.