Une petite réflexion personnelle sur les collaborations entre marques et médias

Ces derniers temps, de plus en plus de montres issues de collaborations entre les marques et les médias sont dévoilées. Je pense notamment aux différentes montres présentées par Hodinkee ou par Revolution: La Blancpain Bathyscaphe 38mm, la Sinn 155 Bundeswehr "Dark Star" et à tant d'autres qui les ont précédées (la plus célèbre étant la Vacheron Chronographe Cornes de Vache en acier). Et quasiment à chaque fois, la montre issue d'une telle collaboration est réussie, se vendant d'ailleurs en un claquement de doigts auprès d'une clientèle avertie... qui se trouve dans les starting-blocks au bon moment.

Alors évidemment, nous avons tous compris l'intérêt pour les marques de développer ces projets communs: cela crée du buzz, fait parler d'elles, prouve qu'elles sont désirables et qu'elles parviennent à vendre... ce qui ces derniers temps est toujours bon à prendre. Et puis c'est un bon moyen de s'attirer les bonnes grâces de médias influents.

Mais la réflexion que je fais est la suivante: et s'il s'agissait d'un mauvais calcul au bout du compte? J'y vois en effet plusieurs effets pervers:
  • la multiplication des collaborations donnent l'impression que les bonnes idées viennent de l'extérieur et plus de l'interne
  • les collaborations donnent l'opportunité d'oser par exemple la suppression du guichet de date, de proposer des tailles plus petites, d'offrir des cadrans peut-être moins bavards... l'argument étant que ces montres s'adressent à des "connaisseurs". Cela veut dire alors que les marques ne sont plus capables de leur parler directement? Qu'elles ont besoin d'un média pour distribuer ces pièces? Et surtout, qu'elles ne sont plus capables de faire d'elles mêmes ces montres? Les marques sont tellement piégées dans leurs schémas marketing que l'on a l'impression que la suppression du guichet de date chez certaines relève d'une audace incommensurable! 
  • Et d'ailleurs qui a dit qu'une montre pour connaisseurs ne plairait pas au grand public? Je n'ai à vrai dire, jamais compris cette distinction. Une mauvaise montre est une mauvaise montre pour tout le monde. Une bonne montre est une bonne montre pour tout le monde. Il suffit de voir les fameuses montres qui devaient, vous savez, "élargir la base de clientèle", prendre la poussière dans les vitrines pour comprendre qu'une telle distinction est une aberration.
  • Enfin, il y a derrière tout ça un drôle de message adressé aux réseaux: notre meilleure montre, nous la réservons au média X... vous, vous avez droit à la montre standard de la collection permanente... pas de bol, les clients, une fois qu'ils ont vu la version sans date, ou plus petite, ou avec le cadran épuré... la préfèrent à celle du détaillant. Le client est frustré, le détaillant l'est tout autant.
  • Mais le pire derrière tout ça, c'est la sensation qu'une marque de plus d'un siècle d'existence devient totalement dépendante d'un média qui a moins de 10 ans, comme si le rapport de force s'était totalement inversé. A force de donner de l'importance à quelques uns, les marques ont fini par s'affaiblir.
Hodinkee démontre par l'exemple le less is more: l'absence de date est mise en avant comme un atout. Est-ce que Blancpain avait besoin d'Hodinkee pour imaginer un tel modèle?
Credits: Hodinkee

Bref, la multiplication des collaborations, c'est sûrement très bien à court terme et cela permet de voir, globalement, de très jolies montres. Mais sur une vision de plus long terme, je vois plus d'effets pervers que de réels avantages. En effet, l'image d'une marque ne peut que se dégrader et c'est ce qu'il y a de pire.