Ce que j'ai aimé et pas aimé à Baselworld 2018

Baselworld 2018 vient de fermer ses portes et il est temps de procéder à un rapide bilan général avant d'aborder en détail lors des articles suivants ce qu'il y a de plus intéressant: les nouveautés. Cependant, il est toujours pertinent de revenir sur les tendances générales du Salon car elles contribuent à définir le contexte dans lequel l'industrie horlogère évolue. Je vous propose les réflexions suivantes réparties en deux catégories selon ma perception et ma sensibilité.


Ce que j'ai aimé:

- l'atmosphère générale du Salon: du fait de la plus grande concentration des exposants, je n'ai pas ressenti à proprement parler une baisse de fréquentation dans les zones qui m'intéressaient. J'ai même perçu une plus grande dynamique par rapport à l'année dernière. En tout cas, l'absence de très nombreux exposants impacte évidemment l'organisateur mais relativement peu les visiteurs amateurs et passionnés voulant découvrir les nouveautés. On prend quasiment tous les mêmes et on recommence.

- la qualité générale des nouveautés: j'ai trouvé que ce cru était bon avec des pièces séduisantes chez les gros, les petits, à prix raisonnables ou délirants. Des orientations se dessinent comme la maîtrise des prix mais je n'ai pas perçu de façon si nette la réduction des tailles. Certains proposent des montres aux diamètres plus raisonnables mais d'autres restent sur des dimensions généreuses. Le néo-rétro demeure très présent mais lorsqu'il est bien exécuté comme chez Swatch Group par exemple, c'est loin d'être un problème!

- la qualité de l'accueil par les exposants et notamment par les grandes marques du Hall 1.0 dans un contexte extrêmement chargé: ces dernières sont extrêmement sollicitées mais les attachés de presse font leur possible pour jongler dans les agendas et satisfaire le maximum de visiteurs pertinents.

- les Ateliers dans le Hall 1.1: la vitalité, la créativité de l'horlogerie indépendante s'y expriment. Les Ateliers deviennent le lieu incontournable de Baselworld et ce n'est pas le stand Swarovski (à quand un passage pour éviter de le contourner?) qui allait empêcher les visiteurs de s'y rendre...

- le développement du pôle de l'Hyperion: techniquement, on n'est pas dans Baselworld. Mais je considère quand même les exposants de l'Hyperion comme faisant partie de l'événement. Ce pôle se développe tant en nombre d'exposants qu'en qualité (Urwerk, De Bethune, Manufacture Royale etc...) en sus des habitués du lieu (Moser, Hautlence, RJ) et contribue à l'intérêt de la semaine bâloise.

- Baselworld reste un formidable point de rencontre. Mon plus grand plaisir est de discuter dans les allées, couloirs, stands avec les acteurs de l'horlogerie. Et  à titre personnel, j'adore passer sans transition d'un rendez-vous avec Rolex à un échange avec un horloger indépendant qui fabrique 10 montres par an. Ce sont toutes les dimensions de l'horlogerie suisse que je retrouve à Baselworld: les succès, la puissance mais aussi les obstacles, les difficultés et certaines rencontres sont très émouvantes. Les exportations horlogères suisses tournent autour 20 milliards de CHF. C'est à peine 20% du CA de certains groupes du CAC 40. L'industrie a besoin d'un point de rencontre tel que Baselworld. Si elle monte au front de façon séparée, elle ne pourra pas lutter contre d'autres acteurs à la puissance incomparable.

Le bon côté des tarifs délirants: cela décuple la créativité des petites marques!


Ce que je n'ai pas aimé:

- l'organisateur se prend des claques et elles sont méritées. De nombreux points sont à revoir mais malheureusement, tout ne dépend pas de lui. C'est tout l'environnement économique qui doit évoluer: hôtels, restaurants, taxis et j'en passe. Tout ce beau monde a bien profité pendant des années en tondant les visiteurs. Mais pour faire évoluer ce microcosme, il faut une véritable volonté politique. Allez, un petit effort pour faire baisser le prix de la saucisse à l'entrée de Baselworld en dessous des 8 CHF...

- le stand de l'AHCI: pour moi, c'est la démonstration type que l'organisateur ne fait pas son travail correctement. Je suis peut-être naïf  mais à un moment, il faut savoir être moins inflexible sur les prix et être capable de mettre de l'eau dans son vin pour promouvoir les artisans dont les créations ont un impact bien supérieur à celui de leurs chiffres d'affaire. L'organisateur se comporte trop comme un vendeur de commodité (le mètre carré) sans se préoccuper de son rôle de vecteur et de promoteur de la créativité de l'industrie horlogère suisse ou étrangère. Les artisans sont entassés, les créations peu mises en valeur, la lumière est pourrie, heureusement que la lumière du jour est accessible à côté. Et puis j'en ai assez de naviguer entre deux voire trois (avec les Ateliers et l'Hyperion) pôles de l'horlogerie indépendante.

- les heures d'ouverture et de fermeture: 9h-18h. Mais attention, à 18h, le fête continue à condition d'être dans le bon hall. Si par malheur, vous êtes dehors à 18h01, eh bien, vous ne pouvez plus rentrer à moins d'avoir une invitation. Et puis, il y a des jours où je pouvais rentrer avant 9h et d'autres où je ne pouvais pas rentrer avant 9h01. Quand on a rendez-vous à 9h au fond du Hall 1, ce serait bien d'autoriser les entrées vers 8h50 par exemple. Mais c'est compliqué à faire comprendre.

- la présence de parasites: l'accréditation presse est ouverte à n'importe qui. Vous avez un compte Instagram bidon à 90%? Pas grave, vous êtes accrédité. Le problème est que ces gens-là, qui bouffent des créneaux horaires, n'ont qu'un seul objectif: vendre leurs posts ou constituer des stocks de photos pour ensuite  justifier leurs démarches. Ils tombent parfois sur des naïfs ce qui les fait revenir lors de l'édition suivante. Même si des marques ne les paieront jamais, le fait de les recevoir leur apporte de la légitimité et donc entretient cette économie de l'escroquerie. Plusieurs marques m'ont parlé de reflux concernant la sollicitation de ces comptes. Espérons qu'il s'agit bien d'une réalité et que ce mouvement va s'amplifier.

- il est donc temps que les marques progressent de façon significative dans la compréhension du fonctionnement des réseaux sociaux comme Instagram. Les outils habituels (mesure des taux d'engagement etc...) ne servent plus à détecter efficacement les faux comptes. Il faut de l'analyse, de la perspicacité, de l'expérience. Si le digital est si important pour les marques, alors qu'elles fassent appel à des personnes qui connaissent vraiment le sujet.

- toujours dans la même logique: le digital est important, les réseaux sociaux sont importants? Alors les marques devraient aménager les salles avec une light-box (quelques dizaines d'euros) pour permettre des photos de meilleure qualité. Par exemple, Patek Philippe a fait cet effort et c'est un exemple à saluer. Avec d'autres, il valait mieux faire les photos dans le couloir sous le néon que dans la pièce du rendez-vous.

Mais au final, ces points négatifs n'altèrent que partiellement la dimension exaltante de Baselworld pour un visiteur comme moi. Malgré les problèmes et les critiques (réelles et justifiées), le Salon reste incontournable et indispensable à l'industrie horlogère. On a beaucoup parlé ses dernières semaines de disparition de Baselworld dans le futur. Mais pour faire quoi au juste? Si à un moment donné l'industrie n'était pas capable de se réunir lors de deux temps forts dans l'année (SIHH et Baselworld),  sa raison d'être serait remise en cause. Les marques le savent bien. Les menaces de retrait de Baselworld étaient avant tout un moyen de renégocier les coûts de l'emplacement. Cependant, une véritable remise en cause doit avoir lieu. Car ce n'est pas un blanc-seing qui a été accordé à l'organisateur.