MB&F: LM Split Escapement

Contrairement aux Horological Machines qui explorent des territoires esthétiques extrêmement diversifiés, les Legacy Machines se caractérisent par leur air de famille basé sur des éléments communs: boîtiers ronds, verres bombés, cadrans décentrés... et surtout les balanciers positionnés au premier plan côté cadran et suspendus à des ponts en forme d'arches.

Les Legacy Machines mettent ainsi principalement en scène les oscillations du (ou des) balancier(s) pour offrir un spectacle hypnotisant. L'affichage du temps est presque secondaire même s'il s'opère de façon traditionnelle. La LM Perpetual, pourtant la pièce la plus compliquée de la collection, n'échappe pas à la règle malgré son mécanisme de quantième perpétuel innovant: le balancier règne en maître, au-dessus des affichages et des prouesses mécaniques. Alors, après avoir proposé une LM compliquée, une LM simplifiée (la LM 101), je me demandais qu'allait être l'orientation choisie par MB&F pour créer sa nouvelle Legacy Machine. Et l'idée directrice est finalement logique: l'objectif de la toute nouvelle LM Split Escapement (SE) est d'aller au bout du concept en isolant totalement le balancier des autres éléments mobiles du mouvement. Le couple balancier/spiral était l'acteur principal des Legacy Machines, avec la LM SE, il fait son one man show. Il faut toutefois apporter une précision importante: la LM Perpetual proposait déjà ce principe. Mais l'impact visuel de cet isolement était moins perceptible dans un contexte plus sophistiqué.


L'animation du cadran de la LM SE est donc originale et c'est ce qui différencie cette montre des autres membres de la collection, LM Perpetual à part: le balancier oscille tout en étant animé par une source d'énergie invisible. En fait, la roue d'échappement et l'ancre se trouvent 12mm plus bas et reprennent leur place traditionnelle, côté mouvement. Je touche ici ce qui pour moi fait le charme principal de la LM SE. Les deux côtés de la montre sont animés: le balancier côté cadran, la roue d'échappement et l'ancre côté mouvement alors que les Legacy Machines qui logent l'ensemble de l'organe réglant côté cadran proposent des mouvements "inertes".

A titre personnel, je trouve que l'idée d'isoler le balancier mérite d'être tentée et l'observation des lentes oscillations est peut-être encore plus envoutante. Cependant, j'ai tendance à regretter de ne plus voir en même temps les impulsions des autres composantes de l'organe réglant. Finalement chaque approche a ses avantages et ses inconvénients. La LM SE et la LM Perpetual répartissent l'animation du coeur de leurs mouvements et je ne peux pas affirmer que cela constitue un plus par rapport à une LM 101 par exemple: le résultat est différent.


Du point de vue esthétique, la LM SE renoue avec l'approche symétrique qui avait été abandonnée avec la LM 101. L'organisation du cadran me fait penser au Datograph de Lange: les trois sous-cadrans dessinent un triangle équilatéral et peut-être est-ce un clin d'oeil de Max Büsser à ses années Blümlein. Le sous-cadran principal, à midi, est dédié à l'affichage du temps. L'indicateur de réserve de marche se trouve sur le sous-cadran inférieur droit tandis que le sous-cadran inférieur gauche indique les quantièmes. La LM SE est donc la seconde Legacy Machine à proposer l'affichage des quantièmes, après la LM Perpetual et son mouvement innovant développé par Stephen McDonnel. La filiation avec la LM Perpetual est claire et c'est la raison pour laquelle le mouvement de la LM SE a également été développé par le même horloger. Du point de vue pratique, l'influence de la LM Perpetual, au-delà du Split Escapement,  se retrouve dans le système de désactivation du poussoir de réglage rapide de la date autour de minuit: une sécurité empruntée au mécanisme de quantième perpétuel.

Le lien entre la LM SE et la LM Perpetual est perceptible également dans le design des arches du pont de balancier car je retrouve leur forme organique et  fluide alors que celles des autres Legacy Machines possèdent une base plus marquée.

De prime abord, le rendu plus simple de la LM SE pouvait laisser penser que le boîtier allait être également revu, voire réduit comme sur la LM 101. Eh bien non! La LM SE possède le même diamètre (44mm) et la même épaisseur (17,5mm au sommet du dôme) que la LM Perpetual. Ce gabarit n'est donc pas anodin. Le diamètre est conséquent et nécessite donc un poignet adéquat pour porter la montre sans que cela soit ridicule visuellement parlant. L'épaisseur est peut-être plus problématique même si finalement elle demeure plus raisonnable que sur la LM2! En revanche, la boucle déployante, toujours aussi efficace, permet de bien positionner la montre même sur des poignets modestes. Attention toutefois à un point important: son cadran étant plus aéré que celui de la LM Perpetual, la LM SE a tendance à avoir une taille perçue supérieure.


La particularité de la LM SE provient du fait qu'à ce stade, la montre ne soit disponible qu'avec un seul boîtier, en or gris mais avec 4 couleurs différentes du cadran grainé (bleu, ruthénium, or rose, or jaune pour 18 exemplaires chacune) qui sert de support aux sous-cadrans. 4 couleurs pour 4 atmosphères... et surtout pour 4 finitions de mouvements! J'apprécie beaucoup ce soin apporté aux détails et ce souci de cohérence qui témoigne de l'exigence et de la rigueur mises en oeuvre. Je n'ai pu voir pour l'instant que la version ruthénium  mais son rendu m'a convaincu: le cadran grainé, que j'avais pu redécouvrir avec la LM 101 "Frost" offre des effets de lumière surprenants et séduisants qui complètent idéalement l'animation apportée par le balancier.

Le mouvement de la LM SE offre la même architecture que celui de la LM Perpetual. D'ailleurs si je n'avais pas l'indication du nombre de rubis (35 contre 41 pour la LM Perpetual), j'aurais du mal à les distinguer. Ce mouvement est à la fois une prouesse technique et une réussite esthétique. Prouesse technique compte tenu de la stabilité qu'il doit apporter à l'axe du balancier extrêmement long. Réussite esthétique car il est non seulement beau dans sa présentation mais également fini de façon irréprochable: continuité des côtes de Genève, grenage, anglage, tout est impeccable.

J'aime le contraste plus important entre les éléments mobiles et les ponts ainsi que la forme de ces derniers. Et puis, fil conducteur de toutes les Legacy Machines, il s'agit d'un mouvement à basse fréquence (2,5hz). Cette fréquence est évidemment un hommage à l'horlogerie traditionnelle mais elle est aussi optimale pour rendre les oscillations du balancier si séduisantes. Enfin, l'affichage de la réserve de marche est justifié par sa longueur de 3 jours.


La LM SE est de nouveau une Legacy Machine convaincante. Tirant profit des avancées de la LM Perpetual, elle offre un visage plus épuré pour aller à l'essentiel et réaffirmer le rôle majeur du balancier. Mais à titre personnel, ce n'est pas la Legacy Machine que je préfère. Compte tenu de la taille du boîtier, j'ai été moins convaincu par l'organisation du cadran avec les deux sous-cadrans à sa base qui donnent l'impression de tirer le centre de gravité vers le bas. De plus, si je salue l'aspect pratique de la montre avec l'affichage des quantièmes, j'aurais aimé qu'une autre complication soit traitée par le sous-cadran gauche: un affichage des phases de lune par exemple. Les quantièmes c'est bien, la sécurité c'est bien mais soyons clairs: avec un poussoir ou un système de date rapide, le réglage de la date ne pose pas grand problème de façon générale. Ou alors il aurait fallu compléter l'affichage du temps par un jour/nuit pour que cela soit véritablement utile.

Sur ce point-là, la LM SE m'a laissé sur ma faim. Il n'en demeure pas moins qu'elle est digne de la collection et qu'en termes de qualité, elle respecte les standards extrêmement élevés de MB&F.  Je n'oublie pas non plus qu'elle offre la possibilité de profiter d'une mouvement développé par Stephen McDonnel ce qui n'est pas le moindre de ses atouts.

Merci à l'équipe de Chronopassion.

Les plus:
+ la qualité irréprochable de l'exécution
+ le rendu visuel surprenant du balancier isolé
+ la cohérence entre les finitions des cadrans et des mouvements
+ les reflets de lumière du cadran grainé 

Les moins:
- l'épaisseur conséquente
- j'aurais préféré une complication plus poétique ou audacieuse que l'affichage des quantièmes
- l'organisation du cadran me séduit moins que sur les autres Legacy Machines