HYT: Skull Red Eye

J'ai l'habitude de dire que sur la H1 de HYT, le cadran dédié à l'affichage des minutes n'est finalement qu'une aide afin de les lire avec une meilleure précision puisque le parcours du liquide à travers le tube capillaire périphérique permet de les deviner. Lorsque le liquide se situe à la moitié de la distance entre deux index des heures, il est 30 minutes. La progression du liquide est similaire au comportement d'une grande mono-aiguille rétrograde. Finalement, avec les deux Skull (Red Eye et Green Eye), HYT est allé au bout du concept en s'affranchissant d'un affichage dédié aux minutes. Mais surtout, la jeune marque des hydro-horlogers tire profit de cette indication particulière du temps pour mettre en scène un immense crâne, très géométrique, situé au plein milieu du cadran.


Le problème des montres avec des crânes, c'est qu'on en a vu beaucoup. Trop d'ailleurs. La très grande majorité de ces montres se contente de placer un crâne ici ou là pour créer une fausse excitation et révéler le côté rebelle du client. Inutile de préciser que la mayonnaise ne prend généralement pas. La force de la Skull de HYT est d'utiliser le crâne, de jouer avec et d'en faire une partie prenante de l'affichage du temps. Cela change immédiatement toute la perception puisque le crâne n'est plus passif mais joue le rôle central au-delà de sa dimension esthétique.

Ainsi l'oeil de gauche est utilisé pour indiquer les secondes (en fait, une sorte de témoin de marche) et l'oeil de droite affiche la réserve de marche grâce à des disques mobiles. Mais la grande différence par rapport à la H1 est la forme du tube capilaire qui épouse les contours du crâne alors qu'elle était en arc de cercle sur la montre d'origine. Il ne s'agit pas d'une broutille. Compte tenu des coudes et des angles imposés au tube, il est beaucoup plus difficile d'assurer une progression constante et sans obstacle du liquide.


Je rappelle en effet que la partie la plus délicate dans la conception d'un tel affichage est une contrainte physique et pas purement mécanique. Les liquides (parler d'un seul liquide est une erreur puisque dans le tube circulent un liquide coloré et un liquide neutre) doivent se mouvoir sans se mélanger ni accrocher la paroi. C'est la raison pour laquelle le tube capillaire, déjà extrêmement difficile à usiner, subit l'adjonction de plusieurs couches d'un revêtement intérieur dont l'objectif est de permettre aux liquides de mieux glisser. Une véritable prouesse d'usinage que seules de très rares entreprises spécialisées sont capables d'accomplir.

Derrière une montre qui semble décalée, ludique, se cache l'expression de la maturité de HYT qui démontre, modèle après modèle, sa progression en matière de maîtrise des fluides. HYT s'appuie sur un élément de confiance pour animer la Skull avec le mouvement de la H1 développé avec Bruno Moutarlier et l'équipe de Chronode de Jean-François Mojon. J'aime beaucoup ce mouvement à la présentation très contemporaine où la patte Chronode se ressent dans l'architecture et la forme des ponts. Il est le véritable pendant du contenu du tube capillaire puisque il met en scène les deux réservoirs de liquide dont les hauteurs plus au moins compressées traduisent la progression des liquides.  D'une fréquence de 4hz, le mouvement à remontage manuel propose une réserve de marche de 65 heures ce qui est très raisonnable. Le verre saphir à l'arrière du boîtier est coloré de façon à retrouver la couleur de l'affichage du temps du côté cadran. Pourquoi pas mais je trouve que le mouvement perd en dimension spectaculaire du fait de cette couleur qui a tendance à l'uniformiser. 


Le moins que l'on puisse dire est que le crâne prend ses aises. Le boîtier, qui combine du titane avec un revêtement DLC noir et de l'or rose (le boîtier de la Skull Green est entièrement en titane), a un diamètre supérieur de plus de 2mm par rapport à celui de la H1! 51mm est évidemment une taille hors norme mais de façon surprenante, elle n'est nullement gênante à condition d'avoir le poignet adapté. Tout simplement parce le thème de la montre impose un tel gabarit et parce qu'elle se positionne bien sur le poignet. J'aime beaucoup le rendu visuel du crâne, qui est très géométrique. Le fait que les réservoirs soient situés en-dessous m'évoque également une grande ampoule. Une façon de mettre en lumière la capacité de HYT d'imaginer des montres surprenantes? Dans ce contexte esthétique inhabituel, la lecture de l'heure précise n'est pas la grande force de la Skull d'autant plus que la forme du tube est assez contraignante à ce niveau. Heureusement, les chiffres périphériques sont prolongés par des rayons qui rejoignent le tube. J'ai donc retrouvé le même niveau de précision de lecture qu'avec une mono-aiguille. Cependant, les amateurs  de lecture du temps à la seconde près passeront leur chemin. 


La Skull n'a pas vocation de toutes les façons à être une montre instrument. L'indication de l'heure est plus ici un prétexte pour animer un crâne loin d'être lugubre, et qui rarement aura trouvé un contexte aussi adapté. La Skull n'est donc pas pour moi une nième montre sur le thème du memento mori, j'y ai au contraire vu une certaine dose d'optimisme à travers la circulation du liquide coloré qui semble redonner vie à l'élément central du cadran.

Merci à l'équipe HYT.

Les plus:
+ une façon surprenante de renouveler la H1
+ l'intégration du crâne dans l'affichage du temps
+ le rendu visuel loin d'être lugubre et qui évoque plus la science-fiction
+ les performances du mouvement

Les moins:
- le verre saphir coloré qui a tendance à atténuer les finitions et la présentation du mouvement
- l'épaisseur, identique à celle de la H1, demeure élevée (17,9mm)
- la précision de la lecture du temps mais est-ce le véritable objectif d'une telle montre?