Ma sélection de Baselworld 2014

Les 4 jours que je viens de passer à Baselworld me laissent un sentiment mitigé. A vrai dire, je ne suis guère surpris: la Foire s'est inscrite dans la même tendance que celle de la semaine du SIHH, tout du moins pour les marques qui peuvent être comparées. Car malgré les messages plein d'optimisme et les chiffres sans cesse en croissance, la réalité est têtue: les clients finaux ne se bousculent pas dans les boutiques et les grandes marques le savent pertinemment. Cela se sent à travers les collections de cette année: peu de nouveautés mécaniques comme si elles étaient reportées à des jours meilleurs où les chiffres des ventes pourront alors absorber les coûts des investissements nécessaires aux développement et production de nouveaux mouvements, beaucoup de déclinaisons de modèles existants comme pour rassurer le client et des choix stratégiques symbolisant plus la raison que la démesure. L'exemple le plus frappant de cet état de fait est la nouvelle orientation de Zenith qui brise un mythe en utilisant des mouvements Sellita pour certains de ses modèles. Qu'une marque soit prête à abandonner un de ses principes fondamentaux pour répondre à une nécessité stratégique du groupe auquel elle appartient en dit long sur ce qui compte aujourd'hui dans le monde horloger. Le romantisme n'est plus de mise, tout est dorénavant orienté vers la maîtrise des coûts, de l'approvisionnement et du réseau de distribution. Le danger qui va finir par poindre est de déshumaniser cette industrie et que la clientèle, en observant les montres, éprouve le sentiment d'être en face de purs "produits aseptisés" au détriment d'une expression d'un savoir-faire et d'un artisanat. Et si ce scénario se réalise, les difficultés seront bien plus grandes.

Heureusement, à Baselworld, il y a toujours des pépites qui se cachent au détour des couloirs et des stands et une cuvée même moyenne contient toujours la bonne dose d'agréables surprises. C'est toute la magie de la Foire où le merveilleux peut succéder au consternant. Et une fois de plus, ce sont les indépendants qui tirent leur épingle du jeu. Voici donc ma sélection des 10 montres qui m'ont le plus séduit au cours de la Foire qui vient de s'achever.

De Bethune frappe de nouveau un grand coup en réinventant le chronographe: les aiguilles centrales améliorent la lisibilité des informations et mécaniquement, Denis Flageollet fait de nouveau preuve d'une grande ingéniosité pour amortir l'impact de l'utilisation du chronographe sur le comportement de la montre. Et ce n'est pas une mais deux montres que De Bethune nous propose pour interpréter ce nouveau mécanisme qui aura nécessité des années de développement. 



Une des montres les plus impressionnantes mécaniquement parlant fut la Lang & Heyne Augustus. Une montre parfaite pour les étourdis qui permet de rappeler une douzaine de dates clés et qui calcule leurs âges. La seule contrainte finalement est de ne pas se tromper dans la sélection de ces dates! Réfléchissez bien avant de prendre commande...


Kari Voutilainen frappe de nouveau un grand coup avec ce magnifique Tourbillon qui au-delà de sa parfaite maîtrise technique dégage un charme irrésistible.


Le Tourbillon Parallax  des frères Grönefeld est une montre très importante pour eux. Elle valide l'approche stylistique de la One Hertz et contribue donc à bâtir leur identité. Le Tourbillon volant est évidemment très agréable à observer mais l'animation la plus fascinante demeure le ballet parallèle des deux indicateurs des secondes: la trotteuse centrale et celle située sur le Tourbillon.


Très souvent, je fus confronté à la déception des rééditions: une taille inadaptée, un guichet de date imprévu et hors de contexte, les raisons sont multiples. Et là, miracle: Longines avec la Conquest Héritage réussit un coup de maître en résistant à de multiples tentations: la montre possède la taille idéale (35mm) et le cadran est vierge de toute date. Le résultat est une montre au charme suranné mais imparable et qui séduit par son approche sans concession.


Le nouveau Tourbillon d'Hajime Asaoka était assurément le clou du spectacle offert par le stand de l'AHCI. Il est beau et parfaitement réalisé. Il symbolise la vitalité de l'horlogerie indépendante qui s'exprime à travers des artisans de tous horizons.


C'est avec Fiona Krüger que se déroula une de mes plus belles rencontres: partant d'un thème vu et revu dans l'univers horloger (le crane), elle réussit cependant à créer une montre d'une grande originalité où décoration et mouvement se mélangent. 


Girard-Perregaux fut, avec Blancpain peut-être, la grande marque qui fit le plus preuve de créativité. La nouvelle collection est large et solide tout en adoptant des évolutions esthétiques qui visent à dépoussiérer l'image de la manufacture. C'est le Neo-Tourbillon qui symbolise le mieux cette orientation avec un style résolument contemporain (par exemple: les aiguilles) qui n'oublie pas ses racines.


Enfin, je ne pouvais pas oublier dans cette sélection la Broken Glass, ma Son of Sound favorite. Excessive, improbable, délirante, à la limite du portable, elle mérite tout logiquement sa place dans ma sélection car elle ose! Je n'en attendais pas moins de la part d'Yvan Arpa!


Comme je dis toujours, d'autres montres auraient mérité de rentrer dans cette sélection. Avec du recul, il y a même de fortes chances que sa composition change! Cette évolution de mes sentiments sera sûrement perceptible à travers les revues qui suivront: les analyses plus approfondies font voir les montres sous un autre angle et modifient la donne... même si j'ai la conviction que certaines pièces de la sélection seront indéboulonnables.

Un grand merci aux représentants des marques pour leur accueil pendant la Foire.