Peter Speake-Marin: Triad

Dévoilée à la Foire de Bâle 2013, Triad est une montre très importante pour Peter Speake-Marin car elle symbolise le point de départ de sa nouvelle collection qui porte le nom prometteur de "Mechanical Art". A travers les caractéristiques de Triad, nous arrivons à deviner les objectifs poursuivis et les idées incarnées par les futures composantes de cette collection. J'ai la conviction que c'est le meilleur de Peter Speake-Marin qui s'y retrouvera à travers une approche qui combinera intérêt mécanique, originalité et émotion. Ce ne sera certes pas la première fois que Peter Speake-Marin arrivera à jouer avec l'ensemble de ces ingrédients mais j'ai le sentiment qu'auparavant la démarche artistique prenait le pas sur la particularité mécanique.


C'est là tout l'intérêt de Triad: au-delà du chemin qu'elle trace pour l'avenir de la marque, elle se caractérise par une véritable mise en scène d'une partie des éléments mécaniques qui la composent. Cette mise en scène n'est pas anodine car elle conduit immanquablement à une réflexion sur le temps qui passe, sur les différentes étapes de la vie... Triad est donc bien plus qu'un affichage original du temps, elle incite aussi à se poser des questions. C'est presque une montre philosophique!

Je dois avouer que Peter Speake-Marin m'avait montré un prototype l'année précédente et même si j'avais été séduit par le jeu des roues sur le cadran, je n'avais pas à ce moment-là perçu les idées, les concepts qu'elle était sensée incarner. La version finale ne laisse pas la place à la moindre hésitation. En la découvrant, je fus immédiatement transporté dans l'univers singulier de Peter Speake-Marin.


Triad (Triade en français) signifie un ensemble de 3 éléments intimement liés entre eux. En musique, il s'agit d'un accord de 3 notes et cette définition est rappelée sur la lunette interne. Considérons chaque paire d'aiguilles comme une note de musique et cet ensemble de 3 notes crée une représentation, une harmonie qui décore le côté face de la montre. Je ne peux utiliser le terme de cadran car il n'y en a point. Ce sont ces aiguilles, ces roues sans oublier le symbole central cher à Peter Speake-Marin, jouant ici le rôle de trotteuse, qui remplacent le cadran. A la limite, la lunette interne reprend la fonction de repère du cadran en portant les 4 chiffres romains situés aux points cardinaux de la montre. L'ironie est que ces chiffres ont finalement peu d'utilité si ce n'est de rappeler que les paires d'aiguilles, même si elles ne sont pas directement liées à eux, sont orientées de façon traditionnelle. Pour les 3 indicateurs, midi est bien positionné à la verticale et l'axe 3-9 heures est strictement horizontal. Ce rappel n'est pas incongru car les 3 paires d'aiguilles dessinent un triangle équilatéral oblique autour de la roue de la trotteuse.


Incontestablement, la magie opère. Tout d'abord ce sont les roues dorées, la roue centrale en or qui se remarquent. Puis les roues situées en arrière plan. Cette structure crée un effet de relief surprenant qui se détache nettement de la plaque rhodiée. Les aiguilles en acier bleui semblent être animées par une machine étrange digne de l'imagination d'un Jules Verne. Puis la question fondamentale se pose: à quoi sert ce triple affichage du temps?

De façon très simple, j'ai envie de dire que la synchronisation des aiguilles forme un ballet lent mais toujours harmonieux. Le résultat est tout simplement beau et fascinant. Heureusement, la roue centrale apporte sa dynamique qui permet d'animer le cadran sinon l'ensemble aurait pu paraître un peu trop inerte.

Mais c'est en poursuivant la réflexion que tout l'intérêt de l'affichage apparaît. Il nous interpelle sans cesse en nous rappelant que la vie est composée de trois étapes majeures: la jeunesse, le maturité, la vieillesse. A moins qu'il ne s'agisse des 3 moments de la journée, le matin, l'après-midi, le soir... N'est-elle pas la représentation de n'importe quelle période temporelle qui est toujours composée d'un début, d'un milieu et d'une fin? La montre ne rappelle-t-elle pas que dans le passé, le présent ou l'avenir, le temps s'écoule toujours de la même façon? A vrai dire, chacun y trouvera sa propre définition en fonction de sa culture, de ses perceptions, de ses sentiments. Mais je pense surtout qu'au final, Triad doit nous amener à réfléchir sur la façon dont nous utilisons notre temps. 


Pour atteindre un tel objectif conceptuel, il faut que la qualité de l'exécution soit au rendez-vous. Elle l'est grâce à une finition irréprochable des éléments qui composent le cadran. Grâce aux différentes couleurs, à l'effet de profondeur provoqué par les niveaux successifs et au plaquage au rhodium qui apporte son éclat, Triad est avant tout esthétiquement réussie même si je trouve que la lunette interne aurait gagné à être moins "bavarde".

Le boîtier Piccadilly propose des dimensions équilibrées avec un diamètre de 42mm pour une épaisseur de 13mm. Ni trop fine, ni trop épaisse, Triad est bien proportionnée. J'ai en revanche été moins convaincu par l'utilisation de la lunette en or rose combinée avec le boîtier en acier. Certes, elle apporte de la chaleur et elle combine idéalement avec les roues du cadran. Cependant, n'étant pas un fan absolu des montres bicolores, j'aurais préféré l'utilisation d'un boîtier totalement en or rose.


Le mouvement qui équipe Triad est connu puisqu'il s'agit de l'Eros 2, un mouvement TechnoTime entièrement usiné pour répondre aux spécificités définies par Peter Speake-Marin. Il possède donc les caractéristiques habituelles de cette famille de mouvement avec une fréquence de 4hz et une réserve de marche appréciable de 120 heures. Je retrouve avec plaisir la masse oscillante caractéristique avec ses trois branches, de nouveau un clin d'oeil au chiffre 3. Même s'il ne possède pas la noblesse d"un SM2, il s'agit d'un mouvement fiable et performant qui est bien adapté au contexte de Triad.

Triad est une montre qui prend toute sa dimension une fois mise au poignet. Les 3 paires d'aiguilles fascinent, intriguent, interpellent et finissent par séduire. L'avantage est que, quel que soit le poignet, il y a toujours un affichage du temps situé près de la lunette. La lecture n'est certes pas d'une très grande précision compte tenu de la taille des aiguilles et de l'absence d'index. Mais qu'importe! Cette triple approximation fait partie du charme de la montre qui se porte avec confort par ailleurs. Attention cependant à la taille des cornes: Triad possède un gabarit plus important qu'une montre de diamètre équivalent.


Avec Triad, Peter Speake-Marin débute de façon magistrale sa nouvelle collection. Plus qu'une simple prouesse mécanique, Triad nous conduit à une réflexion sur le temps qui passe et sur son utilisation. N'est-ce pas là la plus belle des complications?

Merci à Peter Speake-Marin et à son équipe pour leur accueil pendant la foire de Bâle 2013.

Les plus:
+ le lent ballet des 3 paires d'aiguilles qui définit tout le caractère original de Triad
+ la beauté de la mécanique visible côté face
+ les finitions
+ la longue réserve de marche du mouvement

Les moins:
- une lunette interne trop "bavarde"
- le choix d'un boîtier bicolore