Le cru 2013 de Breguet est à mon humble avis de très bonne qualité en proposant avec la même réussite un éventail de montres plus ou moins compliquées. La montre que je préfère dans cette nouvelle collection est après réflexion, la référence 5277. Elle réunit en effet tout ce que je recherche dans une montre Breguet: l'esthétique caractéristique, de jolies finitions, un intérêt mécanique certain et le soupçon d'originalité qui la distingue d'autres montres équivalentes.
La pierre angulaire de la 5277 est la réserve de marche. A vrai dire, tout tourne autour. Du point de vue horloger d'abord. Le mouvement 515DR à remontage manuel comporte une innovation développée conjointement par Breguet et Nivarox. Le ressort du barillet utilise un nouveau type d'acier inoxydable qui permet dans un volume donné d'augmenter la réserve de marche. Compte tenu des propriétés de l'alliage, Breguet et Nivarox ont pu réduire significativement le diamètre de la bonde et ainsi placer un plus grand nombre de tours d'enroulement en respectant la taille du barillet. L'autre vertu de l'alliage est son comportement constant au fur et à mesure que le ressort se dévide. Ainsi, la stabilité du couple est maintenue même après un certain écoulement de la réserve de marche. Le fait de s'appuyer sur les propriétés de l'alliage simplifie la tâche de Breguet qui n'est pas obligé d'associer à son mouvement un système de type force constante pour obtenir un résultat analogue. J'espère donc que Breguet communiquera par la suite sur les performances chronométriques du mouvement en fonction du niveau de réserve de marche afin d'étayer sa démonstration. Il n'y a aucune raison de ne pas leur faire confiance sur le sujet puisque l'alliage a la vocation d'être déployé plus largement au sein de Swatch Group ce qui est un signe de confiance.
Le barillet seul ne fait pas la réserve de marche et bien évidemment, un soin particulier a été apporté sur l'organe régulant. Au delà de l'échappement à ancre en ligne, Breguet a, comme de coutume dorénavant, utilisé son spiral en silicium pour réduire la consommation en énergie. Je dois avouer que l'idée de trouver du silicium dans une montre Breguet m'est toujours un peu difficile mais petit à petit elle fait son chemin dans ma tête. Je suis moins choqué aujourd'hui que je ne le fus. Mais ce n'est pas encore l'adhésion totale.
Tous ces efforts combinés permettent d'atteindre une réserve de marche de 96 heures pour une fréquence de 4hz alors que la montre propose une taille très raisonnable (38mm de diamètre). Une telle réserve de marche est intéressante car le propriétaire de la montre peut la laisser lors d'un week-end prolongé et la récupérer sans avoir besoin de la régler de nouveau ce qui est appréciable. Pour le reste du temps, c'est évidemment moins utile puisque le remontage quotidien demeure presque un rituel avec une montre aussi élégante et plaisante à manipuler.
Le mouvement 515DR est du point de vue visuel assez réussi avec des formes de ponts tarabiscotées mais non dénuées d'intérêt. Cependant, astucieusement, Breguet a escamoté quelques difficultés et j'aurais aimé trouver un ou deux angles franchement rentrants alors que la forme des ponts en était presque une invitation. Dommage de ne pas être allé jusqu'au bout des intentions. La décoration du mouvement, discrète et raffinée, colle parfaitement à l'esprit de la montre. Il n'y a donc aucun reproche à faire à ce niveau.
La réserve de marche, ou plutôt son indicateur, joue ensuite un rôle esthétique important. Il zèbre le cadran en dessinant un arc de cercle, telle une virgule, dans le quart supérieur droit. Alors que certaines marques seraient tombées dans le classicisme ennuyeux, la Breguet 5277 devient d'un coup plus excitante! Le 96 au bout de l'indicateur ne choque même pas. C'est un nombre intéressant composé de deux chiffres symétriques et qui se lit à l'endroit et à l'envers. C'est là toute la magie de Breguet: chaque élément pris indépendamment fleure bon le côté le plus traditionnel de l'horlogerie: les aiguilles bleuies à pomme évidée, le cadran en or guilloché avec le motif clous de Paris sur sa partie centrale, les chiffres romains... Et pourtant, elle ne fait nullement vieillotte et elle est même emprunte d'une certaine modernité grâce à l'asymétrie du cadran.
Le diamètre de 38mm peut sembler petit selon les standards d'aujourd'hui. Il est cependant parfait dans ce contexte. Tout d'abord, la lunette est extrêmement fine si bien que l'ouverture du cadran est similaire à celle de montres plus grandes. Ensuite, la 5277 étant relativement fine (8mm), un plus grand diamètre l'aurait déséquilibrée. Puis demeure l'incontournable contrainte de la taille propre du mouvement. Avec ce diamètre, la présentation du cadran devient presque idéale et je sens bien que la position de l'axe de la trotteuse ne laisse par forcément beaucoup de marge pour un agrandissement sans risque de casser l'harmonie visuelle.
La 5277, que ce soit en or rose ou en or gris, m'a beaucoup plu une fois mise au poignet. J'aime son cadran, l'absence de date, la virgule de la réserve de marche et le charme habituel du boîtier avec ses cannelures latérales. Comme évoqué précédemment, la taille perçue est supérieure au diamètre réel et j'ai très rapidement succombé à ses attraits convaincants. J'aurais certes apprécié un peu plus de risques au niveau de la découpe des ponts du mouvement mais au final, Breguet a réussi dans son entreprise: la 5277 est une montre simple, élégante sans être ennuyeuse et qui a en plus le bon goût de proposer une taille en cohérence avec sa destination.
Merci à l'équipe Breguet pour son accueil pendant la Foire de Bâle 2013.