Un atelier d'initiation avec Girard-Perregaux

Girard-Perregaux m'a fait une belle surprise il y a quelques jours en me proposant de participer à un atelier d'initiation à l'horlogerie organisé dans le cadre de l'étape parisienne de la tournée mondiale des Jeunes Horlogers. Au-delà du réel plaisir que m'a procuré cette expérience, il est intéressant de revenir quelques instants sur la stratégie poursuivie par Girard-Perregaux et de façon plus large par PPR.

Elle repose sur deux axes: les produits et la communication. En termes de produits, le potentiel de Girard-Perregaux est réel. Il s'agit d'une des plus belles manufactures horlogères suisses possédant un très large éventail de complications disponibles: montres simples, chronographes, QP, Calendrier Annuel, Répétition Minutes, Heures Universelles, Tourbillon simple, Tourbillon bi-axial etc...  Malheureusement, elle n'est pas perçue comme telle par le public ce qui est fort dommage. Les raisons de cette situation sont multiples mais incontestablement, Girard-Perregaux a souffert d'un manque de visibilité et de l'absence d'une véritable montre icône au sein de la collection. Le paradoxe est que la première personne à avoir mis en oeuvre le véritable concept de manufacture, c'est-à-dire le regroupement sous un même toit des différents corps de métiers de l'horlogerie fut Jean-François Bautte qui écrivit les premières lignes de l'histoire de Girard-Perregaux.

Photos de la tournée des Jeunes Horlogers:

A titre personnel, je trouve que la plus grande force de Girard-Perregaux réside dans la qualité des mouvements de base comme le 3300 ou le 4500 qui animent les différentes complications. Ce sont des mouvements fins qui possèdent un remontage automatique très efficace. Ils équipent d'ailleurs régulièrement des montres d'horlogers indépendants comme chez Urwerk ou Mb&F ce qui prouvent qu'ils sont à l'aise pour tracter des complications complexes. Et puis, comment ne pas évoquer la beauté des Tourbillons sur 3 ponts? Que ce soit dans un contexte classique sur ponts d'or ou plus original sur ponts saphir, le Tourbillon Girard-Perregaux séduit par sa grande élégance et son raffinement.

En revanche, Girard-Perregaux manque peut-être aujourd'hui d'un mouvement chronographe intégré et d'un mouvement à remontage manuel simple qui renforceraient significativement à mon avis l'offre en matière de calibres.

Il est évident que l'arrivée de Dominique Loiseau va apporter une nouvelle impulsion permettant le développement de projets ambitieux. Le timing est en plus excellent, les travaux de Baselworld laissant un peu plus de temps pour préparer la collection 2013.

En termes de communication, la tâche est grande mais la nouvelle orientation se fait déjà sentir grâce à la tournée des Jeunes Horlogers. Il est intéressant de noter que Girard-Perregaux joue deux cartes en même temps de façon très subtile: celle du vénérable Maître horloger avec Dominique Loiseau, ce qui séduit fortement les marchés matures très attachés à la tradition comme le Japon. Et celle de la nouvelle génération qui prouve que l'avenir de la Manufacture est en train de se construire et que de nouvelles idées vont germer. Je suis certain que cette façon de communiquer, axée sur les métiers de l'horlogerie permettra à Girard-Perregaux d'améliorer sa notoriété sans tomber dans les travers de certains qui à force de vouloir créer le buzz de façon permanente donnent l'impression de ne vouloir privilégier que les messages au détriment des produits.

Quand à l'exposition itinérante "L'Art de marquer le temps", elle permet grâce à la présentation d'une sélection de pièces en provenance du Musée de revivre la très riche histoire de la Manufacture et de rappeler la contribution de Girard-Perregaux à l'innovation horlogère et à la chronométrie. La dimension didactique de l'exposition la rend passionnante à parcourir. Chaque grande période de la Manufacture, au-delà des montres qui la symbolisent particulièrement par leurs contenus horlogers et leurs démarches artistiques, est reliée au contexte historique, scientifique et artistique de l'époque. De même un parallèle permanent est fait avec l'évolution stylistique et technique d'un autre produit manufacturé: la chaise. Tout est donc réuni pour comprendre qu'une Manufacture horlogère ne fonctionne pas en vase clos mais bien dans un environnement qui l'influence.

Les commentaires éclairés de Willy Schweizer, conservateur du Musée Girard-Perregaux sont toujours appréciés:


Une très belle Heures Sautantes:


Une vue d'ensemble de l'exposition. Vous noterez que son transport est facilité par les grands éléments mobiles sur roulettes:


Lorsque Horlogerie et Art ne font qu'un:


Il est évident que l'exposition s'inscrit dans la même stratégie de reconquête et de gain de visibilité  de la part de Girard-Perregaux. Et dans ce contexte, elle constitue un outil précieux.

A l'issue de la visite de l'exposition, je me suis rendu avec les autres participants à l'atelier afin de participer au cours d'initiation horlogère. Le constat est simple: tant que nous n'avons pas manipulé les outils, même pour effectuer des tâches extrêmement simples pour un horloger, nous ne pouvons pas comprendre les difficultés inhérentes à la pratique d'un tel métier et les qualités qui y sont requises.

L'établi est prêt à accueillir l'élève:

Le cours consiste à démonter et à remonter certaines pièces du mouvement 4500 choisi pour son diamètre important (30,6mm). La masse oscillante et le système de remontage automatique ont été retirés afin de pouvoir directement s'attaquer aux ponts, à l'ensemble de l'organe régulant et au train de rouages. Le démontage est une chose, le remontage en est une autre. Je pense que mon plus grand moment de souffrance a été la pose de l'ancre. A vrai dire, rien ne fut simple! Mais quelle satisfaction de voir le mouvement reprendre vie à la fin de cours! Au cours de l'étape parisienne, l'équipe Girard-Perregaux a accueilli de nombres passionnés de tous les âges qui purent ainsi, en enfilant la blouse et en manipulant les brucelles  appréhender le fonctionnement d'un mécanisme  et imaginer ce que peut être le travail d'un horloger au quotidien. J'ai grandement apprécié cet atelier pour ces raisons et pour l'ambiance conviviale qui y régnait.

Le mouvement 4500 sans son mécanisme de remontage automatique:


Il faut ensuite songer à remonter toutes ces pièces!


Poser une pièce sans bouger celles qui sont déjà installées n'est pas une mince affaire:


Le mouvement fonctionne de nouveau, je peux sourire!




Girard-Perregaux possède donc à travers la tournée des Jeunes Horlogers, l'exposition  et l'atelier d'initiation itinérants des vecteurs d'image cohérents qui soutiennent totalement l'objectif qui consiste à remettre la Manufacture sur le devant de la scène. L'implication de PPR est réelle et se ressent dans les moyens mis en oeuvre. François-Henri Pinault rappella ses derniers jours sa volonté de faire de Sowind (Girard-Perregaux et JeanRichard) un pôle horloger fort et crédible capable de secouer les codes de la haute horlogerie suisse. Cette implication de long terme est évidemment une excellente nouvelle pour Girard-Perregaux qui se voit attribuer des moyens qui lui permettront, je l'espère, de se positionner de façon durable et visible parmi les plus belles manufactures suisses.

Merci à l'équipe Girard-Perregaux pour son accueil pendant l'événement organisé chez Christie's.