Jean-Baptiste Viot: son premier garde-temps

C'est dans l'est de Paris qu'est en train de se concrétiser un des plus beaux projets actuels d'horlogerie française. Il émane de Jean-Baptiste Viot, jeune horloger (né en 1967) qui a décidé de développer sa propre montre après des années de travail au sein de prestigieuses maisons.

Le côté fascinant de l'horlogerie indépendante est de retrouver dans le produit fini toute l'histoire, toute la culture, toute la vision de son créateur. C'est le cas ici aussi évidemment avec le garde-temps de Jean-Baptiste. C'est la raison pour laquelle il est important de revenir sur son parcours.

Jean-Baptiste a débuté en 1983 sa formation en tant qu'horloger réparateur à l’école municipale d’horlogerie de la ville de Paris, l'a poursuivie en 1986 au sein de l'Ecole Technique de la Vallée de Joux puis en 1988 dans le cadre du musée international d’horlogerie de la Chaux-de-Fonds débouchant sur l'obtention du diplôme de technicien en restauration d’horlogerie ancienne.

C'est au contact de Daniel Gendron, dans son atelier de la rue Saint-Jacques, que Jean-Baptiste se perfectionne. Après le service national, en 1993, c'est de nouveau le départ en Suisse pour travailler chez HDG (Haut-De-Gamme), société nouvellement créée (et vendue en 1999 à Vacheron Constantin) et sous-traitant pour les grandes marques. Jean-Baptiste travaille ainsi initialement sur le montage et ajustage des QP Patek Philippe et ensuite dessine et réalise des mécanismes de complications comme un QP pour des Tourbillons Breguet, des Jaquet-Droz, unTourbillon et une Répétition Minutes ainsi qu'un calibre complet.

L'année qui précède la vente de HDG à Vacheron Constantin, c'est l'aventure Breguet qui débute pour Jean-Baptiste en tant que chef de l'atelier de service après-vente puis en se consacrant totalement à la restauration des pièces anciennes notamment sur celles qui rejoignent le Musée nouvellement créé. C'est un pan entier de l'histoire de l'horlogerie qui passe ainsi entre ses mains et ce pendant 8 ans.

Suite au transfert de l'atelier à la Vallée de Joux, Jean-Baptiste prend la décision de quitter la société et de mettre en application ses idées autour d'un projet personnel.

Parallèlement, comment ne pas évoquer l'incroyable histoire qui s'est déroulée entre septembre 2005 et septembre 2006 avec les Untergunther? Sous la direction de Jean-Baptiste, dans la plus grande discrétion et à l'insu de l'administrateur du Panthéon, les Untergunther ont installé leur atelier sous les toits du bâtiment afin de restaurer l'horloge Wagner qui fut sabotée dans les années 60. Vous trouverez ici une excellente page qui raconte en détail cette aventure qui fut menée à bien et ses conséquences.

Puisque nous parlons de pendule, voici une réalisation de Jean-Baptiste, une superbe pendule à deux balanciers:



Cette grande expérience de restauration de pièces historiques va influencer Jean-Baptiste dans la construction de son garde-temps:
  • le crédo est la facilité de maintenance de la montre et une architecture de calibre orienté vers l'efficacité
  • l'esthétique et la décoration sont en cohérence avec cette démarche
J'avais croisé Jean-Baptiste dans les couloirs du Salon Belles Montres 2008. Il portait son prototype qui bien entendu, n'était pas aussi abouti que celui présenté cette année. J'avais photographié par hasard Jean-Baptiste avec Kari Voutilainen et finalement, cette photographie est chargée de symboles.

Kari et Jean-Baptiste partagent en effet un grand nombre de valeurs dont celle de vouloir faire revivre l'horlogerie traditionnelle à travers des montres actuelles inspirées des chronomètres d'antant. De plus, détail amusant, quelques rouages utilisés par Jean-Baptiste pour son garde-temps proviennent du Peseux 260 qui est le calibre de base de la montre Observatoire de Kari.

Jean-Baptiste a installé son atelier chez lui et réalisé, boîtier et verre à part, quasiment tous les composants de sa montre.

La machine à pointer:

L'atelier:





Le Garde-Temps de Jean-Baptiste est donc fidèle à l'idée directrice qui se résume en un seul mot: pérennité.

Cette pérennité s'exprime à plusieurs niveaux:
  • pérennité esthétique d'abord en choisissant un diamètre "classique" qui ne risque pas d'être démodé dans quelques années: 38mm
  • pérennité des éléments constitutifs: ils doivent être facilement reproduisibles et usinables par un horloger qui devra intervenir sur la montre dans quelques années. La réversibilité de l'assemblage est assurée.
  • pérennité des matériaux: le choix s'est porté sur des matériaux de qualité et facilement disponibles comme l'or, le maillechort, l'acier.
  • pérennité du fonctionnement: la montre présentée est une montre 3 aiguilles, à basse fréquence (2,5hz) et à grand balancier.
  • pérennité des décorations: une fois les pièces de nouveau usinées, leur décoration doit rester simple ce qui d'ailleurs, ne nuit pas au raffinement de la montre. Sont ainsi évités dans la mesure du possible les dorages et autres rhodiages. Les éléments sont entièrement démontables facilitant les interventions et réparations.
Cette simplicité d'architecture de calibre cache en fait de véritables "vieux trucs d'horlogers" dont le plus visible est la position du pont du balancier côté cadran et la raquetterie.

La montre photographiée est donc un prototype. Les finitions du calibre sont achevées mais le boîtier n'est évidemment pas le définitif (le montre aura un boîtier en or). Le verre a été enlevé pour les photos.

Une montre "classique" présente ses ponts à l'arrière et une platine plate côté cadran. Ici, ce n'est pas le cas. La façon dont est construit le calibre donne un sentiment de relief et de profondeur. Il ne s'agit pas d'un calibre squelettée, c'est sa propre architecture qui donne ces ouvertures.


Les contrastes entre les différents matériaux utilisés provoquent de beaux effets de lumière:


Les origines françaises de la montre sont rappelées avec fierté par la gravure très nette qui arbore un "A Paris" qui ne laisse pas insensibles les amateurs français d'horlogerie.


Lorsque nous retournons la montre, la présentation classique du calibre contraste avec l'originalité du système de réglage qui se fait par le biais de la vis transversale.

Vous noterez la finition en traits brouillés de la platine des deux côtés de la montre.

Pour une raison avant tout de cohérence esthétique, la montre est ici présentée sans incabloc. Mais le client pourra en avoir un s'il le souhaite.

Le diamètre du boîtier est idéal dans ce contexte et la montre apparaît comme étant équilibrée une fois au poignet. La lunette est relativement fine, la large ouverture du cadran permet donc d'apprécier les différents éléments qui le composent. La forme du boîtier et sa taille rendent la montre confortable même s'il faudra la juger de nouveau sur ce thème avec le boîtier définitif.

Compte tenu du fait que Jean-Baptiste a la main sur quasiment tous les composants de la montre, la décoration sera personnalisable.


Je fus donc séduit par cette montre, par le produit en lui-même mais surtout par la démarche et les idées qui ont conduit à sa conception. Un des freins à l'achat d'une montre d'un horloger indépendant régulièrement avancés est la maintenance de la montre dans les 10/15 ans qui suivent. Il est donc important de souligner que Jean-Baptiste a bâti son projet autour de ce thème.

Jean-Baptiste présentera son garde-temps, le "Chronomètre J-B. Viot à Paris" lors du Salon Belles Montres 2009. Ce sera une étape importante pour le projet car l'accueil et la perception du public constitueront une sorte d'épreuve de vérité. En fonction des commandes, Jean-Baptiste prévoit la fabrication de 4 montres en 2010. Le prix de vente est estimé aujourd'hui à 26.000 euros, TVA incluse.

Je dois avouer qu'en tant que passionné français d'horlogerie, le projet de Jean-Baptiste me fait extrêmement plaisir. Dans un registre différent, il prouve tout comme celui de FDMN qu'actuellement, un renouveau de la montre française de qualité est en train de s'opérer. Une excellente nouvelle! Souhaitons à Jean-Baptiste tout le succès dans son entreprise!


Pour en savoir plus:
Le site de Jean-Baptiste Viot