Lange & Söhne: Chronographe 1815

Le Chronographe 1815 fut présenté par Lange & Söhne à Genève pendant le SIHH 2004. Retiré du catalogue en mai 2007 du fait de l'arrêt global de la ligne 1815, cette montre aura finalement eu une période de commercialisation extrêmement courte. Trop souvent décrite comme un Datograph sans date, cette montre, par son esthètique particulière et par ses caractéristiques, gardera cependant une place à part dans la gamme de la Manufacture saxonne. La montre fut vendue en 2 configurations : or rose & cadran noir (réf. 401.031) et or gris & cadran argent (réf. 401.026). Bizarrement, c'est donc l'or gris au lieu du platine qui est utilisé comme matériau du boîtier pour le modèle avec les aiguilles bleuies, contrairement à la 1815 simple.

Il est difficile d'estimer le nombre de Chronographes 1815 produits par Lange & Söhne durant cette période. On pense généralement que la Manufacture fabrique 400 Chronographes par an (1815, Datograph, Double-Split). Si on fait l'hypothèse que le Chronographe 1815 représente 30% de la production, on arrive à une production cumulée de 360 / 400 pièces. Mais ce n'est pas évident.

Les principales caractéristiques du Chronographe sont:
  • Date de fabrication: 2004 à 2007 (retiré du catalogue en mai 2007)
  • Mouvement: Calibre L951.0 Lange & Söhne à remontage manuel. Diamètre de 30,6mm. 320 composants. Hauteur de 6,1mm. 34 rubis. 4 chatons en or vissés. Fréquence de 18.000 alternances/heure. Spiral en Nivarox 1 avec spire extérieure relevée. Réglage de précision en cinq positions. Platines et ponts en maillechort laminé. Echappement à ancre. Raquetterie à col de cygne, dotée d'une vis de réglage micrométrique brevetée.
  • Boîtier: 39mm de diamètre, hauteur de 10,8mm, en or gris ou en or rose.
  • Glace et fond: verre saphir (d'une dureté de 9).
  • Aiguilles: acier bleui ou or rose.
  • Cadran: deux pièces, argent massif.
  • Fonctions: Chronographe retour en vol doté d'un compteur à minutes sautantes haute précision, arrêt secondes, échelle pulsométrique.
Examinons maintenant de plus près le modèle or gris & cadran argent.

I) La vue d'ensemble

L'impression générale qui se dégage de la montre est un sentiment de très grande qualité et de solidité. Cela est notamment dû au poids conséquent de la montre et à la finition exceptionnelle des différents éléments (boîtier, cadran, calibre). La montre épouse parfaitement mon poignet mais comme d'habitude avec Lange, il est très important de l'essayer avant tout achat : en effet, du fait notamment de son poids, certains peuvent la trouver inconfortable, ce qui n'est pas mon cas. Elle est de toutes les façons moins épaisse que le Datograph (du fait de l'absence de la date) ce qui la rend plus facile à porter. Outre son écrin, la montre est livrée avec le manuel d'utilisation, un chiffon et le traditionnel carnet de service incluant la garantie comme sur toutes les Lange.


II) Le boîtier

Le boîtier en or gris est à la fois massif et élégant. Les cornes le prolongent parfaitement et sa forme est bien dans la tradition de Lange. En revanche, je regrette la taille de la couronne un peu petite qui rend le remontage un peu moins facile qu'avec une couronne plus grande. La forme des poussoirs est idéale. Le contraste poli-brossé donne également beaucoup de style.

III) Le cadran

Le cadran est ce qui donne ce côté si particulier à cette montre. Tout d'abord, il ne s'agit pas d'un cadran plat mais d'un cadran tout en volume. La lunette est inclinée donnant un effet "piste de vélodrome" original. Mais ce n'est pas tout : les compteurs sont "enfoncés" si bien que l'on obtient plusieurs niveaux sur ce cadran. Le cercle intérieur passe ici très bien contrairement à la 1815 automatique. Bien évidemment, comme toujours avec l'horlogerie allemande, c'est un plaisir de suivre le parcours des aiguilles en acier bleui sur un cadran en argent. Ces aiguilles prennent des teintes différentes selon l'éclairage... comme le cadran. Un effet superbe.

Le cadran peut sembler relativement chargé cependant. Mais l'échelle pulsométrique donne un côté original à la montre (le Datograph a une échelle tachymétrique) et l'inscription "Flyback Chronograph" permet de donner un équilibre car les 2 compteurs, comme sur le Datograph, sont situés en-dessous du diamètre. Ces 2 compteurs décentrés donnent d'ailleurs un cachet à la montre. Enfin, les chiffres arabes (contre des chiffres romains sur le Datograph) accentuent le côté sportif, le Datograph paraissant plus élégant.


IV) Le calibre

Le calibre L951.0 est une déclinaison du calibre du Datograph. Outre la suppression de la date, quelques légères modifications ont été apportées. Mais on retrouve bien évidemment l'esthétique de son prédécesseur. Et justement, visuellement, ce calibre est un enchantement. De la même façon que le cadran apparaît en relief, le calibre lui aussi a un effet en trois dimensions extrêmement surprenant. La finition est également exceptionnelle et on peut passer de longues minutes à examiner le travail effectué sur les composants : la roue à colonne, le coq du balancier gravé, les chatons en or, la raquetterie à col de cygne, les pièces spécifiques du chronographe. Les pièces qui sont anglées et polies le sont parfaitement. On peut en revanche trouver ce calibre un peu "too-much". Mais justement, c'est ce qui fait son charme : il s'agit de la réinterprétation moderne et actuelle des calibres chronographes traditionnels allemands. On se retrouve donc dans la situation d'un calibre à l'architecture à la fois dépassée car reprenant des codes historiques (chronométrage au 1/5 de seconde pour une durée d'une demi-heure, 36 heures de réserve de marche, en terme de performance les calibres faisant mieux sont légion) mais également innovante. La qualité d'exécution est telle que c'est un ravissement d'actionner les poussoirs et l'excellence se retrouve dans le compteur des minutes : l'aiguille des minutes saute exactement à la soixantième seconde. Ce n'est certes pas une nouveauté mais ce n'était pas vu sur une montre-bracelet depuis bien longtemps jusqu'à la sortie du Datograph. Rien que ce détail témoigne de la maîtrise de Lange sur l'art du chronométrage. La fonction Flyback fonctionne avec la même douceur, toutes les aiguilles reviennent à zéro sans fausse note.

Les principales caractéristiques techniques de ce calibre sont les suivantes : le pignon à paliers avec tête coulissante en rubis synthétique pour le compteur de précision à minutes sautantes, le levier de commutation du compteur des minutes avec coussinets des deux côtés, le pont indépendant, additionnel, de la roue des secondes, le levier d'embrayage réglable du chronographe au centre de la roue des secondes, le balancier à vis anti-chocs, le spiral en Nivarox 1 à spire extérieure relevée, la raquetterie de précision à col de cygne et la roue à colonnes. Ces caractéristiques témoignent de l'expertise technique de Lange & Söhne dans l'art du chronographe.



Le compteur des minutes sautant:



V) A l'usage

C'est donc à l'usage que cette montre prend son envol. Le remontage est facile même si, comme souligné précédemment, une couronne légèrement plus grande n'aurait pas été du luxe. Je n'ai pas mesuré la précision de la montre mais elle était totalement en phase avec les autres montres après une semaine de fonctionnement. Au poignet, elle prend toute sa dimension et les poussoirs, ni trop doux, ni trop durs, sont actionnés comme dans un rêve. La basse-fréquence rend le tic-tac très agréable à écouter. En fait, la haute-horlogerie, c'est cela : ce ne sont pas forcément les montres les plus performantes (et celle-ci en est loin des meilleures performances), ce ne sont pas les calibres à l'architecture la plus innovante (l'architecture du L951.0 est "dépassée" même si les solutions développées sont innovantes) mais ce sont les montres qui à l'usage sont sans faille et qui dévoilent leurs charmes au fur et à mesure. On ne se lasse jamais de ce type de montres car tous les jours, on découvre un détail. Cette découverte progressive est la conséquence de la qualité du travail d'exécution et de finition.

Conclusion

Réinterprétation actuelle des montres chronographes traditionnelles, le Chronographe 1815 séduit par sa présence, la perfection des poussoirs, la finition de chaque élément et le spectacle éblouissant du calibre. Aux performances dépassées, il s'adresse donc en priorité à l'amateur intransigeant de haute-horlogerie traditionnelle.

Les plus:
  • Une esthétique particulière dans la gamme Lange & Söhne
  • La finition exceptionnelle des éléments
  • La beauté du calibre
  • Le compteur des minutes à aiguille sautante
  • Le fonctionnement parfait des poussoirs (démarrage, arrêt, flyback)
Les moins:
  • Une couronne un peu juste rendant le remontage plus délicat
  • Une réserve de marche très courte (36 heures)
  • Des compteurs un poil trop petits
  • Un bracelet d'origine noir mat plutôt triste